Sessions - RécitsTechniques & Stratégies

Carpe sous la glace

de Alexandre Dubernard alias Alex’Trem

Chaque année, c’est le même rituel, printemps, été, automne et finalement l’hiver s’installe et tout devient différent.

Plus les années passent, plus j’aime pêcher dès que le froid arrive. La pêche est hardcore c’est vrai, alors sortir un fish, un seul, relève d’un vrai challenge que j’adore relever !

Chaque prise est un vrai aboutissement. Motivation et détermination sont les maîtres mots. Partez avec moi dans un voyage « fant’arctique » en eau sauvage qui va vous faire froid dans le dos… Rentrez au cœur de mon univers gelé comme si vous y étiez !

Chaque année passe, mais ne se ressemble pas, en revanche, depuis quelques années, on a pu observer un véritable changement. Et si l’hiver n’était pas si mal que cela en termes de résultat finalement ?

C’est très certainement dû au réchauffement climatique ! Par le passé, capturer un spécimen en hiver relevait d’effort surhumain, j’avais l’impression même de perdre mon temps !

En revanche, ces dernières années, tout a changé, dame météo redistribue les carpes…

Se fixer des objectifs l’hiver, oui c’est enfin possible !

Capturer une carpe sous la neige, ça devient réel !

Eh bien pour ma part, ce sera sous la glace que je capturerai un trophée au cours de cette session riche en émotion que je vais vous narrer plus bas.

Jamais je n’imaginais un jour pouvoir réaliser ce délire-là ! Waouh, j’en ai encore des frissons en repensant à cet épisode glacial que j’ai vécu, il y a quelque temps maintenant…

Me voici en partance sur cette grande étendue d’eau, située à une heure trente de route environ de là où j’habitais à l’époque.

Je dois m’organiser pour être le plus efficace possible et le plus discret aussi, alors tout est prêt, les montages ont été tous préparés en amont à la maison, en effet, pas de place à « la peu près ».

Les boîtes sont blindées de montages, les bouillettes broyées sont ok. Les sticks mix, c’est bon, et le reste… Check !

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Préparation de session

Mentaliser sa session, défier dame nature, c’est aussi mentaliser cette dernière. A méditer… Jouer à domicile…

Et si sa session se jouait à la maison ?

Vous me croirez (ou pas) mais de plus en plus la préparation de session, que ce soit sur le plan technique, mais surtout mental, est une priorité dans 90% de mes pêches actuelles.

Tel un sportif, je me projette dans ma future session. Des semaines auparavant, je refais la session (sans y avoir mis un pied encore), les nuits d’avant je rumine, je tourne en rond dans le lit, est-ce que les montages sont prêts ? Est-ce que j’ai assez de PVA prêts ? Est-ce que je n’oublie rien ? La bouf c’est bon ? J’ai calculé mes 18 rations ? (6 jours de pêche) l’eau ok ? Chauffage ok ?

Autant de questions qui sont selon moi déterminantes, car au cours de cette session, tout se passera dans le noir, et loin du monde vivant, tous les gestes sont millimétrés et limités, ils doivent être automatiques, précis et pas le droit à l’erreur.

Savoir où je vais poser les 4 lignes dans cette obscurité, je cogite grave la veille de partir, je médite mes spots.

En plein rêve, je me vois mettre le spot ou je suis en point n°1 sur mon GPS afin de pouvoir le retrouver sans éclairer dans la pénombre, puis les 4 autres points GPS seront mes 4 spots préenregistrés de prédilections, je sais que les hots spots sont dans moins de 2 mètres d’eau, alors je dois pouvoir visualiser où exactement je vais tendre ces pièges à l’aide de mon écho.

Le GPS sera donc mon arme redoutable pour cette session. Bien que je connaisse la zone de ce grand lac, je préfère assurer avec la technologie.

Donc ça ne devrait pas poser trop de problèmes, en plus les fonds sont dégagés à cette époque. Ça devrait le faire !

Quand le mental prend le dessus sur le tout le reste…

Pour continuer sur l’aspect mental de cette passion, plus les années passent et plus je mentalise mes sessions, je me projette, je pense ? Je rêve… et si jamais si… P

our capturer de gros poissons tout doit être pensé ! Le hasard fait partie du jeu, bien sûr, mais plus on limite ce facteur chance en préparant sa session en pensant « Big one », en mentalisant la capture, en anticipant, en étant ultra réactif, ultra organisé, plus on augmente, me semble-t-il cette opportunité de capture.

Le brise-glace / la traversée gal’artic !

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Le bateau et le moteur ont tenu le choc thermique !

Il est temps de partir et j’ai plusieurs centaines de mètres à braver ce froid équipé de mes 2 boats chargés à bloc, confort oblige, mais comme toute session X’trem qui se respecte, il va falloir casser la glace.

Il est très tôt, seul dans la pénombre le cœur qui s’emballe, l’adrénaline au taquet, je dois partir au plus vite, ils annoncent de la neige, alors je n’ai pas envie de me retrouver embourber avec la voiture, lors de mon départ, je ne prends pas de risque, je file, une fois mes bateaux prêts à briser la glace, c’est avec un peu d’appréhension que je m’en vais.

Je ne suis pas serein.

Est-ce que mon Raptor peut briser la glace ?

Je ne sais pas même en appelant un ami, je n’ai pas de solution de toute façon, il faut partir. Et c’est parti pour le show ! Des minutes longues à suspense…

Ce bruit qui grince, ces plaques de verglas mystifiés par les watts du Frazer ! Raptor ça dégomme ! Ça a l’air de passer. Je ne m’arrête plus, la machine est en route le brise-glace est enclenché, les mètres avalés, il m’en reste des centaines encore…

A mi-parcours, je crie de soulagement dans l’obscurité, seul au monde, un mélange de joie, de bonheur, de travail accompli, l’adrénaline au max, tout comme mon Frazer qui dépote de folie, les embarcations ne sont toujours pas percées…

Allez j’y arrive tel un marathonien qui veut franchir la ligne d’arrivée ! Et là, il ne me reste que quelques mètres allezzzzz allezzz, yesss ! J’y suis, je crie de joie ! Je suis soulagé et heureux surtout.

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La reine des neiges qui se transforme en véritable yéti !

Combat digne d’une patineuse artistique, un combat qui m’a fait froid dans le dos. Posé sur ma banquise depuis 5 jours, j’ai le moral dans les chaussettes, je sais que c’est la période qui veut ça, mais je me pose pas mal de question quand même.

La veille, je plaçais une ligne dans 3,50m et… subitement, un bip puis deux sur cette même canne justement, puis runnnnn ! Me voici parti pour un combat titanesque.

Il est 16h15, le soleil commence tout doucement à filer et là, je ne lésine pas, j’éteins le chauffage, fixe ma caméra sur le front, je veux immortaliser ce moment, il y en aura sûrement qu’un !

Ni une ni deux, je sors de mon igloo, je ferre et déjà elle surfe sur la vague, elle me fait valser sur la patinoire géante, à croire qu’elle sait où elle va, sa chorégraphie qu’elle connaît par cœur ne me fait pas rire du tout, elle me fait des twerks entre deux arbres morts, le pire reste à venir… Ouchhhh !!

La patineuse prend les choses en main, elle m’emmène direct dans une crevasse, elle me déroule 20 mètres de fil d’un coup, je n’ai rien compris, waouh !

C’est puissant, ça me réchauffe le cœur, même si avec ce froid la sensation est bizarre.

Soudain elle monte, elle change son fusil d’épaule, elle me fait valdinguer dans les fronts du glacier, elle connaît les moindres failles de cet iceberg, les moindres stalactites, celles qui surplombent le glacier et surtout celles qui sont situées dans les abysses, moi je ne les vois pas, mais elle, c’est une experte en la matière, ça se voit !

Elle chasse la neige, le fil passe sous un bloc de glace, je mets ma canne de travers, et ça vient ! Yessss !

Du coup, elle se rapproche, je distingue le fil frotté sur des bouts de glace, je crains le pire, soudain je mets le scion complètement en dessous, je me crois au Canada, c’est un instant unique, bravé ce froid après 5 jours sans touche puis là, 10 minutes de pur bonheur d’extase passées avec ce yéti.

Soudain elle me met un « stop », elle est bloquée… Je reste bouche bée, tétanisé, je suis spectateur la canne en l’air, tout s’arrête subitement. A croire que le temps lui aussi s’est figé.

Puis, rapidement, à force de tirer ça vient ! Quinzième minute, les doigts frigorifiés, elle n’est plus très loin, je fais monter la bête, un vrai yeti avec sa robe d’écailles étincelantes blanchâtres dans les abysses, qui redeviendront jaunâtres lors de la séance photo.

Je suis pétrifié de joie, une émotion intense m’envahit, seul dans cette jungle glaciale, un grand moment de pêche que je ne suis pas près d’oublier ! Waouh ! Je viens de mettre au sec un véritable « bloc » de glace !!!

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Avant le départ bien penser à mettre ma caméra sur le front grâce à mon attache !

La séance photo dans une eau à 4 degrés se fera en dehors de l’eau pour cette fois.

Pas de chance la neige fondait chaque heure passée, mon time laps avec ma caméra était figé sur la scène que je vivais à cet instant, un moment inoubliable où le bruit des craquements de glace immortalisait à jamais ce moment unique !

La seule belle coco qui sera venue me rendre visite dans cette session « cold play » riche en émotions.

Des coups de mou, des doutes même si je sais que la période est très compliquée, objectif atteint, je rentre au chaud…

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Le matos est mis à rude épreuve !

Tactique et technique

C’est toujours équipé de mon 45lbs en bas de ligne que je pars à l’aventure pour ne pas avoir de déboires, ma philosophie étant de sûrement avoir moins de touches, (peut-être ?) mais d’optimiser la touche, de ne pas la louper.

Pour ceci j’utilise mon 45lbs en Quick Silver Gold, avec un hameçon taille 1, puis une tête de ligne très costaud.

En ce qui concerne les hameçons, j’utilise les Carp Spirit curve, j’en suis super fan. Ce sont sur les conseils de Clément du magasin Wild Carp Fishing à Lyon que je suis tombé accroc à ces hameçons.

Pour mon approche hivernale, je suis plutôt pêche instante, pas de quantité, mais de la qualité, bouillette fraîche oblige, un petit sac soluble.

Je suis fidèle à mes Scopex en 20/24mm, je continue à pêcher en gros diamètre dans certains endroits, car je ne veux pas être dérangé par les nuisibles, le montage peut rester pêchant plus de 72 heures sans être relevé.

Aussi, je persiste à penser que monter gros pour les gros poissons n’est pas une chose anecdotique ! Je me suis habitué à pêcher gros et je n’en démords pas… Ni les grosses carpes d’ailleurs !

Passion d’un jour, passion pour toujours…

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J’ai vécu sûrement une de mes plus belles sessions en solo, une aventure atypique en ayant eu tellement de changement météo, partant d’une fine pluie froide en passant par la neige où chaque heure je voyais le lac se solidifier avec cette fine couche de glace, ou le temps se figeait en même temps que mes doigts et mes pieds gelaient, je savais à cet instant que l’amour de cette passion ne faisait que perdurer en fait et pour des décennies encore !

Conclusion

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En finalité, j’ai pu assouvir un rêve de gosse, même pas imaginer en rêve : capturer un fish sous la glace.

En effet, la capture de cette patineuse, une véritable artiste ou je lui mets un 10/10, tant sur le plan artistique car elle m’a fait de sacrées figures quand même, mais aussi sur le plan technique car elle a su déjouer mes pièges tendus jusqu’à la dernière nuit…

Il a fallu faire preuve d’une grande dextérité pour la glisser dans mon épuisette.

La « winter addiction » ne fait que commencer !

Conseil du jour

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Dans ces sessions extrêmes en grand lac en solitaire, il faut toujours prévoir d’emmener son GPS sur soi, car en cas de dépose, de touches lointaines ou autre, si une brume épaisse s’installe, il est impossible de retourner sur le point de départ !

Le chauffage en hiver oui, mais rester « Ouvert ! »

Chaque hiver muni de mon fidèle compagnon, mon chauffage d’appoint à gaz, je ne cesse de faire gaffe à le manier du mieux possible, une des règles essentielles : laisser ouvert la porte d’entrée du biwy pour toute utilisation, mais aussi et surtout à consommer avec modération !

Only one, je la surnommais :  » la yéti ! »

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Les touches se font rares, alors il faut être opérationnel en cas de départ, pas le droit à l’erreur.

La reine des neiges, j’aurais pu l’appeler celle-ci, une vraie guerrière torride, le combat fut violent, je m’en rappelle encore de cette « reine », les souvenirs reviennent en tapant sur mon clavier le scénario « glacial’esque » de ce phénomène, d’ailleurs « tout est dans la boîte »!

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