Le Sommaire | Carp Lsd Article
De nos jours, la pêche de la carpe a atteint un niveau technique impressionnant.
La grande majorité des pêcheurs ont une approche méthodique et un équipement très performant leur permettant d’obtenir des résultats pour la plupart de leurs sessions toute au long de l’année.
Pour chaque saison, chaque type de biotopes, chaque situation, de nombreux articles, vidéos, et échanges sur les réseaux sociaux ont permis ce perfectionnement continuel des connaissances et aussi le progrès au niveau du matériel et des appâts.
Normalement, il ne devrait plus y avoir de grands secrets pour un pêcheur expérimenté…
Mais quand je me trouve au bord de l’eau en action, ou quand je cogite dans ma tête sur la pêche, ils reviennent toujours certaines réflexions qui concernent des phénomènes ou des paramètres sur lesquels je me pose des questions.
Est-ce que mon explication de certaines choses est vraiment valable ?
Et surtout, pourquoi je ne trouve pas de réponse à d’autres observations ? Existe-t-il une autre solution face à une difficulté spécifique ?
Des doutes, des convictions, et beaucoup de questions concernant ces choses qui restent du mystère.
Du coup, j’ai essayé de traiter quelques-uns de ces sujets qui m’obsèdent pour les partager avec vous, aussi pour avoir votre avis sur les phénomènes qui pour moi restent des mystères.
Ça n’arrête pas de sauter – et aucun départ !
C’est sans doute le phénomène le plus régulier qui m’obsède et aussi le plus vexant.
Les carpes sont bel et bien là, à portée de main, mais elles nous narguent avec leurs sauts au lieu de mordre.
Pour ma part, j’ai vécu ces moments principalement sur des grands lacs de barrage, mais je l’ai également observé dans certains étangs.
En rivière et en fleuve, je ne l’ai connu très rarement et souvent lors de courtes périodes, en particulier en début d’été.
En grand lac comme le Salagou ou Sainte Croix, j’ai dû faire face à ce spectacle de nombreuses fois, même bien trop souvent à mon goût.
Les carpes montent, au large, près du bord, à droite, à gauche, sur les cannes, un peu partout et toutes les cinq ou dix minutes, sans que le moindre bip ne se produise.
Et la plupart du temps, il ne s’agit ni de marsouinages ni de vrais sauts hors de l’eau.
Certains jours, on entend principalement un claquement en surface, un genre de coup de queue, on dirait parfois un saut raté.
Dans d’autres sessions, elles produisaient de véritables sauts hors de l’eau – en particulier lors de nuits de pleine lune – des « plouf » à en devenir sourd toutes les quelques minutes !
Les hypothèses pour trouver à tout prix une explication ne manquent pas :
« Elles mangent exclusivement des larves ou autres nymphes qui se trouvent en pleine eau. »
« Cette nourriture est tellement bonne ou surabondante qu’elles ignorent nos appâts au fond. »
« C’est une forme de communication entre elles qui les détourne de l’activité alimentaire. »
« Ou encore un geste de bien-être ou de mal-être par rapport à la météo, la qualité de l’eau, ou autre chose d’inconnu. »
Mais en réalité, pour ma part, je n’en sais rien, et le pire, c’est que toute tentative technique pour les faire mordre, comme la présentation d’un appât entre deux eaux par exemple, la création d’un amorçage en colonne à l’aide de particules huileuses, et autres tentatives de pêche en bateau n’ont pas donné une vraie satisfaction.
Pour ce qui concerne ces sauts en répétition sans touches, je dois donner ma langue au poisson-chat, je n’ai pas d’explication solide, la question reste ouverte, et je suis preneur de bons conseils.
Peut-être quelqu’un y a trouvé la parade…
Le bon vent
Ce n’est un secret pour personne : la pêche est souvent plus productive quand le vent souffle assez fort, et ça ne concerne pas seulement les carpes, mais aussi les autres poissons, et je me pose naturellement la question « pourquoi » ?
Les réponses toutes trouvées nous viennent de suite :
Comme par exemple « Ça trouble l’eau en bordure et libère de la nourriture naturelle ce qui excite les poissons », « Ça crée un courant de surface qui apporte l’eau chaude dans un secteur qui sera alors favorable à pêcher ».
Une autre explication fréquente concerne l’idée d’une augmentation du taux d’oxygène dissous dans l’eau qui serait à l’origine d’une plus grande activité des poissons.
Il y a sans doute du vrai dans toutes ces hypothèses, peut-être plus ou moins selon les saisons.
Mais à titre personnel, j’y ajouterai encore un facteur sur lequel j’ai une conviction personnelle assez solide :
Le vent rend la pêche plus efficace – incontestablement – non seulement par le fait de nous faciliter le repérage rapide d’un bon secteur (ce qui est évident et bien connu) mais surtout par une diffusion de nos appâts qui est à la fois plus rapide et qui se fait beaucoup plus loin en raison d’une eau en mouvement.
Après quelques jours de vent assez fort des courants plus en profondeur sont générés par un mouvement circulaire.
Les arômes et microparticules de nos appâts sont alors transportés très loin en quelques heures et ceci démultiplie leur portée et fera venir les poissons de loin.
C’est pour moi la principale raison des bons résultats que j’obtiens pendant des périodes avec un vent fort.
Mes appâts agissent à grande distance et non seulement dans un tout petit périmètre comme c’est le cas dans une eau inerte.
Les fonds abyssaux
Un autre « casse-tête » est la limite en profondeur de pêche pour la carpe !
Franchement, combien de pêcheurs placent régulièrement leurs cannes dans des profondeurs supérieures à 15 ou 20m ?
Pourtant la question de la pertinence d’une pêche dans les grands fonds intrigue la plupart d’entre nous.
C’est comme une tentation qu’on repousse toujours à la prochaine fois, un dégonflage permanent face au doute.
J’avoue sans soucis d’avoir la même attitude malgré quelques évènements auxquels j’ai assisté en observateur ou en acteur, des faits plutôt encourageants pour oser la pêche profonde.
Celui que j’ai mémorisé le plus s’est déroulé en septembre 1989 dans le bras nord de Saint Cassien où je pêchais un spot d’environ 9m de fond en pente moyennement abrupte à une distance du bord d’une bonne vingtaine de mètres.
Le poste produisait en moyenne un départ par « coup du soir », majoritairement des communes de taille moyenne ou modeste.
Un après-midi un ami français nous a rejoint pour inaugurer ses deux nouvelles cannes NORTH WESTERN DYNEEMA 13 pieds.
Il a vraiment été impatient de voir un peu ce que ces engins avaient dans le ventre.
Il s’installa à côté et lança son montage de toute sa force à mégadistance.
Non sans subir nos moqueries du genre, « tu vas nous faire la quarante kilos des abysses du bras nord ».
Une heure plus tard : la punition des moqueries s’est produit sous forme d’un départ monstrueux et un gros poisson souché quelque part au large.
Mais l’histoire ne restera pas là. Alors qu’il était encore en train de remonter sa canne avec un nouveau montage, l’autre canne a démarré de pareille façon, une autre carpe, également souchée !
Aujourd’hui, avec prescription, je peux avouer que ça a été pour moi un petit soulagement que les poissons n’ont pas rejoint l’épuisette, car même avec les deux casses la leçon n’est pas encore effacée.
Au petit matin, je voulais en avoir le cœur net, mais l’échosondeur n’a que confirmé ce que je savais déjà plus ou moins : il avait lancé ses cannes dans au moins trente mètres de fond.
Mais cette histoire bizarre m’a au moins une fois rendue service, une dizaine d’années plus tard au Salagou.
Un peu frustré par l’absence de départ après un bel amorçage préalable pendant plusieurs jours, j’ai pensé à cette histoire du bras nord et j’ai lancé une canne par désespoir dans plus de vingt mètres de fond. Et elle m’a sauvé la bredouille avec une belle commune massive et surpuissante.
Pourtant, de nos jours, je continue mes pêches en profondeur habituelle entre 1 et 8m, très rarement dans plus de 12 mètres de fond, et je continue de me rassurer que la prochaine fois je me forcerai de mettre un montage dans 20 mètres, et un autre encore plus profond.
Mais malgré les bons résultats réguliers obtenus par certains pêcheurs qui se sont spécialisés dans les pêches en grandes profondeurs, j’ai toujours un manque de courage, pas assez de confiance, mais aussi une conviction : celle d’être passé à côté d’un sacré nombre de belles carpes par un manque d’audace !
En fin de compte personne ne sait vraiment la limite maximale en profondeur pour la carpe, 20, 25, 30m ?
Peut-être quelqu’un a déjà pris une carpe dans plus de 30 mètres et personne ne le sait. En tout cas, le thème est fascinant et mystérieux.
Toujours la même canne !
Un autre phénomène, un des plus énigmatiques, est celui de départs qui se produisent toujours sur la même canne.
Personnellement, je suis même confronté à des choses « paranormales » à ce sujet, car c’est la même canne qui produit la plupart des départs, même si je l’intervertis avec une autre lors d’une session.
Mais blagues et superstitions à part, il arrive quand même très fréquemment que les départs se produisent sur un minuscule spot, toujours sur la même canne.
C’est parfois « hallucinant », un montage placé seulement deux ou trois mètres plus loin reste ignoré par les poissons.
Comme je pêche aussi le carnassier, j’ai pu constater que ces touches sur un endroit ultra précis ne sont pas uniquement réservées aux carpes, mais concernent aussi le sandre en particulier.
Bon nombre d’entre vous me donneront alors la réponse logique, en mentionnant une particularité du fond, une zone de grouinage, une consistance spécifique du fond, un profil particulier, une cassure, un obstacle qui en fera un spot d’alimentation.
Bien évidemment, ce sont de bonnes explications que je partage. Mais pourquoi ça se produit aussi en parfaite absence de tout ça ?
Dès le mois de mai et jusqu’aux fonds de 7 ou 8 mètres, les fonds de mes spots de pêche n’ont pas de secrets pour moi, car j’ai toujours mon masque avec moi et j’adore nager et plonger en lac et en rivière.
Et le verdict est souvent incontestable : rien à signaler de spécial autour du montage qui produit les touches.
Pourquoi les carpes passent ou mangent à un endroit aussi précis et non pas quelques mètres plus loin sans qu’on puisse y identifier une piste d’explication ?
S’agirait-il de spots pile-poil situés sur le trajet le plus rationnel entre deux spots d’alimentation ?
Une voie que les carpes empruntent pour aller d’un spot à l’autre sans en dévier d’un mètre ?
Un peu comme le font les oiseaux migrateurs, emprunter une ligne de trajet ultra précise pour ne jamais gaspiller le moindre effort pour cause d’un détour inutile.
Ce type d’explication serait au moins cohérent avec d’autres comportements du monde animalier.
C’est la seule petite piste d’explication que j’ai trouvée jusqu’ici, mais je continue bien à y cogiter.
Et en session, je change souvent l’emplacement de mon montage, car je suis persuadé que ça augmente la probabilité de ne pas passer « juste à côté ».
Et si ce n’est pas vraiment fondé je le fais alors pour conjurer le sort !
Les improbables/imprenables
Chaque grand lac, chaque étang, chaque canal, chaque fleuve, a son lot de mystères.
Et bien souvent, il s’agit de cette question :
Y a-t-il des gros spécimens qui ne se font jamais prendre ?
Malgré le fait que de nombreuses grosses carpes, même en grand lac, et en fleuve, se font prendre plusieurs fois par an, je dois avouer d’être relativement favorable à cette thèse qu’on pourrait presque qualifier comme « complotiste », ou au moins comme dépassé.
Car j’ai bonne mémoire et je me souviens très bien de ces jours quand mon père faisait la vidange de son étang.
Cet étang assez intensivement pêché par des carpistes affûtés venants de près et de loin pour y passer un bon moment sur les bordures ombragées.
Et à chacune de ces vidanges, tout ce beau monde (moi y compris) faisait de drôles de têtes avec chaque belle carpe inconnue qui passait de l’épuisette au bac pour être amené vers son asile provisoire dans le bassin de compensation, avant de revenir dans l’étang après son curage.
Et j’ai toujours eu une oreille attentive aux histoires de mes amis qui avaient capturé une carpe un peu spéciale qui, de leur connaissance, n’a jamais été reprise par la suite.
D’autres carpes se font prendre que très rarement à des intervalles très espacés ce qui renforce un peu cette probabilité de carpes quasiment imprenables.
Depuis les débuts de la pêche moderne de Moby Dick à Pépita, et bien d’autres noms, ce mystère des poissons improbables conserve tout son charme.
Dans ce monde de progrès permanent, de maîtrise, d’efficacité, de haute technologie, ces questions et phénomènes plus compliqués à cerner ont presque un statut un peu à part.
Mais pour ceux qui ne cherchent pas à refouler les aspects moins évidents de notre passion, il s’agit sans doute d’une source de motivation et d’enrichissement.
Et la quantité de thèmes et de sujets sur lesquels on peut avoir des doutes ou des questions semblent illimitées, de quoi ne jamais se lasser de la pêche !