Appâts

STIMULATION DES SENS – LE RAPPORT JAWADNYA

Daniel Jawadnya - Traduction : Leon Hoogendijk

-- ESPACE PARTENAIRE(S) --
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Il existe des milliers de façons de réaliser une bouillette, et autant d’arômes pour les parfumer. Les possibilités sont sans limites : banane, fraise, ananas, hot chili, poisson, crabe, etc. Ceci est possible grâce aux composants chimiques et molécules diverses avec lesquels on peut concevoir des milliers de combinaisons différentes. Pourtant, il reste autant de questions auxquelles les carpistes cherchent désespérément des réponses. Comment pouvons-nous améliorer nos bouillettes ? Est-ce réellement possible ? Aurons-nous plus de touches en ajoutant un peu de piment à nos bouillettes au poisson ? Comment savoir avec certitude si tel ou tel additif permet réellement de prendre plus de carpes ?

Généralement, les carpistes basent leurs jugements sur leur expérience du terrain. Mais, dans un domaine aussi variable, peut-on réellement porter des jugements fiables ? Ma façon de voir les choses a radicalement changé il y a quelques années, ce qui n’a fait que rajouter des questions à ma liste qui était déjà très longue. Ensuite, la conviction que mes expériences positives sur le terrain ne faisaient que camoufler les manquements dans mon approche m’a motivé à chercher les réponses autrement.

LE RAPPORT JAWADNYA | CARLSDTout ce que nous pouvons dire sur un appât est basé sur son utilisation lors de quelques sessions de pêche. C’est en fonction des résultats obtenus que nous jugions l’efficacité d’un nouvel ingrédient ou d’un nouvel arôme.

Mais qu’est ce qui est vraiment déterminant dans les résultats ? Est-ce l’appât ? Est-ce le poste ? Est-ce notre approche ? Est-ce la météo ? Les paramètres sont trop nombreux et notre jugement ne peut être objectif.

La confiance dans nos appâts est directement liée au fait qu’ils nous ont permis de réaliser de très bonnes pêches, dans le cas contraire, le doute se serait très vite installé ! Pourtant, pour être honnêtes avec nous-mêmes, si nous nous demandons si notre pêche a été bonne du fait que nous avons utilisé un additif X dans nos bouillettes, notre réponse serait systématiquement NON ! Le choix du poste, la bonne quantité d’amorce, la stratégie d’amorçage, la météo, etc., sont à chaque fois bien plus déterminants que l’ajout d’un additif. N’oublions pas non plus qu’une bouillette n’est pas seulement un arôme ! Elle est généralement composée de 10 à 15 ingrédients différents, chacun ayant son potentiel et son influence sur le résultat final. Finalement, quand on se pose des questions sur nos appâts, on tourne en rond, car on ne fait que présumer sans le moindre fondement objectif. Pas étonnant que les opinions divergentes autant à ce sujet !

Alors que faire pour y voir plus clair ? Se baser sur l’expérience des autres implique autant de risques de se tromper. Le dernier recours est de réaliser des tests en aquarium géant, en éliminant le maximum d’éléments variables afin que nos jugements soient mieux fondés.

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 Tests en aquarium et méthode

Le problème majeur dans cette recherche réside dans trois facteurs dont j’ai seulement pris conscience lors de la mise au point de la méthode. En effet, ceux-ci, souvent oubliés lors de tests effectués par d’autres chercheurs dans le passé, ne peuvent en aucun cas être ignorés sous peine de fausser les résultats.

1. Les carpes se nourrissent très souvent à vue.

2. Les carpes possèdent la faculté d’associer différentes expériences.

3. Les carpes sont sensibles au stress.

1. Quand la lumière et la clarté de l’eau le permettent, la vue devient le sens dominant de la carpe. Si je jette un caillou dans un aquarium qui en est dépourvu, les carpes le saisissent par curiosité. Pas une seule fois mais des dizaines de fois ! Devons-nous en déduire que les carpes aiment sucer les cailloux ?! Il se passe la même chose avec un appât, n’importe lequel ; les carpes le saisissent par curiosité, stimulées par un signal purement visuel.

2. Ma présence influe sur le comportement des carpes. Dès qu’elles me voient, elles s’approchent de la vitre car elles savent que je leur apporte à manger. Cela fausse complètement les tests.

3. Ma présence peut aussi créer un stress. Par exemple si je bouge trop vite. Dans ce cas les carpes se retirent dans un coin et ne mangent plus rien.

Il est clair que si je ne tiens pas compte de ces facteurs, et si je ne trouve pas de solutions, mes tests n’auront aucune valeur scientifique et les résultats ne seront pas fiables. Ces problèmes m’ont empêché de dormir pendant des semaines. Finalement j’ai trouvé la solution : réaliser les tests dans le noir, en filmant les carpes avec une caméra spéciale sous lumière infrarouge, et en observant leurs réactions sur un écran installé dans une autre pièce. Après quelques essais je me rends vite compte que cela crée des conditions idéales pour effectuer mes recherches.

Les conditions du test :

– Contrôle de la température de l’eau stabilisée entre 16,5 et 17,5° C.

– PH stable entre 7 et 8.

– La totalité de l’eau est renouvelée automatiquement environ 3 fois par jour.

– 400 grammes de charbon actif aident à stabiliser les valeurs.

– Un filtre mécanique et biologique filtre toute la quantité d’eau 3 fois par heure.

– La veille de chaque jour de tests, l’aquarium et les filtres sont entièrement nettoyés pour éviter les pics de valeurs d’ammoniaque, de nitrates, etc.

– Les tests sont effectués dans le noir.

– Une bille en liège sert de porteur de substances.

– C’est moi qui, dans le noir, place la bille attachée par un fil à un plomb dans l’aquarium.

– Les images sont transmises depuis une caméra infrarouge sur un écran situé dans une autre pièce.

– Un diffuseur de lumière infrarouge crée la lumière pour la caméra.

– J’utilise 4 carpes d’environ 1,5 kg qui n’ont été nourries auparavant qu’avec des pellets ne contenant pas de farine de poisson.

– L’aquarium mesure 200 cm x 70 cm x 60 cm.

Les ingrédients :

Pour les ingrédients solides, il n’est pas nécessaire de renouveler l’eau en permanence car nous avons opté pour une méthode peu polluante. Les farines ou poudres sont présentées dans des petits ballons réalisés avec des bas de Nylon. Pour les poudres très fines les bas de Nylon sont doublés afin de réguler au mieux la diffusion de substances attractives.

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Les limites de notre recherche:

J’aimerais souligner le fait que malgré tous mes efforts pour maîtriser au mieux les facteurs variables, il y a des limites à ce que je peux faire pour être le plus objectif possible. Certaines choses ne sont tout simplement pas possibles avec le budget et le temps disponibles.

Cette recherche nécessite impérativement que chaque test soit répété un grand nombre de fois pour éviter que les résultats finaux ne soient trop influencés par une exception. Autrement dit, en répétant le même test dix fois, une seule exception ne changera pas trop le résultat final qui ne sera rien d’autre que la moyenne des dix. Je n’hésite donc pas à répéter et vérifier certains tests dans le cas où les résultats me semblent douteux. Par exemple, si lors d’un test un produit ou un ingrédient donne un résultat faible ou négatif, j’enchaîne aussitôt avec un autre produit qui a déjà donné des résultats très positifs, pour vérifier l’humeur des poissons. Il m’arrive aussi quelquefois de tester des produits dans lesquels j’ai une confiance aveugle, et de constater avec surprise que les carpes s’y intéressent à peine, voire pas du tout. Dans ces cas-là, je répète les tests en présentant le produit concerné sous d’autres formes ou à d’autres concentrations.

LE RAPPORT JAWADNYA | CARLSDLes conditions d’une telle expérience modifient le comportement des animaux. Je m’efforce donc de réduire au mieux le facteur stress en effectuant mes tests dans le noir et en limitant ma présence dans la pièce. Le caractère et les préférences de chaque animal peuvent aussi jouer un rôle. Il se peut même qu’on ait affaire à un banc de poissons qui par hasard ont des préférences individuelles semblables, ou parmi lesquels un dominant influence le comportement des autres. Pour pallier à toutes ces éventualités, il me faudrait des dizaines d’aquariums et des centaines de carpes, en faisant de grandes pauses entre chaque test, chose malheureusement impossible.

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Pour ne pas tout fausser, les carpes ne sont jamais récompensées avec de la nourriture, même si elles risquent de se démotiver au bout d’un certain nombre de tests, ce qui, heureusement, n’est pas le cas. Elles auront en fait des réactions très diverses.

Il est important aussi de souligner que la méthode de test choisie, par exemple la bille en liège, fonctionne mieux pour certains produits que pour d’autres. La solubilité et la concentration d’une substance influe directement sur le résultat. Une substance dont la concentration est trop forte peut s’avérer être répulsive. Une substance trop soluble disparaît trop vite de son support. Heureusement, la concentration idéale de chaque substance sur la bille en liège s’obtient à chaque fois dans les 15 minutes que dure chaque test. Durant ce laps de temps, le goût de chaque substance passe de « très fort » à « très subtil ». Je le sais car je l’ai moi-même testé à chaque fois ! Des crevettes fermentées, miam, un délice !

Pour obtenir des résultats fiables, nous avons besoin de carpes qui recherchent de la nourriture en permanence. C’est le cas des jeunes poissons que j’ai choisis.

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Il y a certainement encore pas mal d’autres variables qui agissent sur les résultats des tests. Et n’oublions pas que pour 10 variables dans une recherche en conditions contrôlées, nous pouvons en mentionner 100 dans des tests sur le terrain ! Mais en maîtrisant les grandes influences et en ne s’en tenant qu’à des faits, il est tout à fait possible de tirer certaines conclusions. Notre test permet de mesurer de façon fiable la différence entre peu de réponses et beaucoup de réponses, et donne ainsi une indication intéressante sur le pouvoir stimulateur des différents ingrédients et substances. Les résultats des tests ne répondent pas à toutes les questions que nous pouvons nous poser, loin de là, mais nous permettent d’avancer d’un pas. Certaines choses ont été clairement démontrées, certaines choses ne l’ont pas été, d’autres encore se situent dans une zone grise…

Je ne porte aucun jugement définitif concernant la possible « valeur ajoutée » des substances ou ingrédients qui composent nos appâts. Pour réaliser un bon mix ou faire une vraie bonne bouillette, il faut bien plus qu’un bon arôme ou un bon ingrédient. Ceux-ci, même peu attractifs peuvent, pour des tas d’autres raisons, être essentiels dans la composition d’un mix.

Interprétation des résultats:

T = temps du test
Hit = chaque fois qu’une carpe aspire l’appât.
1 hit = pas de réponse
2-4 hits = faible réponse
5-7 hits = réponse moyenne
8 hits ou plus = réponse forte combinés à une certaine agressivité

LIQUIDES :

Liège neutre : T 1 heure, 0 hit (1 heure sans hit, puis 6 hits en 30 sec. après allumage TL !)
Solar pear & bananas : T 15 min, 7 hits
Solar Ester Pineapple : T 15 min, 3 hits
Solar Squid & Octopus : T 20 min, 6 hits
Solar Smoked Salmon : T 15 min, 9 hits
Solar Ester Blend : T 15 min, 1 hit
Solar Black and Blue : T 20 min, 6 hits (d’abord répulsif, puis attractif / trop fort ?)
Dreambaits Octopus : T 15 min, 5 hits
Dreambaits Scopex : T 15 min, 4 hits
Dreambaits Spice : T 15 min, 5 hits
Dreambaits Maple Cream : T 15 min, 10 hits
Dreambaits Pineapple : T 15 min, 8 hits
Cipro Pistache : T 15 min, 4 hits
Cipro Butter and Caramel : T 15 min, 7 hits
Cipro Egg and Brandy : T 15 min, 10 hits
Cipro Apricot : T 15 min, 4 hits
Cipro Shrimpz : T 15 min, 7 hits
Nash Scopex N01 : T 15 min, 8 hits
Nash Big Strawberry : T 15 min, 5 hits (le plus de hits dans la première phase du test)
Nash Mega Tutti Frutti : T 15 min, 6 hits (quasi tous les hits dans les 3 premières minutes)
Nash Monster Crab : T 20 min, 4 hits (quasi tous les hits dans les 3 premières minutes)
CC Moore Indian Spice : T 15 min, 1 hit
CC Moore Pear Drop : T 15 min, 6 hits
CC Moore Pineapple : T 15 min, 6 hits
CC Moore Crab : T 15 min, 8 hits
CC Moore Banana : T 15 min, 5hits
Minamino : T 15 min, 16 hits (les carpes s’acharnent dessus !)
Salmon Oil : T 15 min, 4 hits
Propylène Glycol : 15 min, 4 hits
Melasse : T 15 min, 7 hits (l’un des poissons était surexcité)
Aminol : T 10 min, 8 hits (très soluble / réactions agressives !)
Acide N-Butyrique : 20 min, 18 hits
Solar Liquid Candy : T 15 min, 2 hits (très soluble)
Dreambaits Liquid Sweet : T 15 min , 5 hits
Nash Intense Sweetner : T 15 min, 1 hit (trop soluble ce qui fausse le test)
Huile d’ail : T 20 min, 0 hit
Huile de chènevis : T 15 min, 5 hits

FARINES/POUDRES

Farine de maïs (très fine) : T 15 min, très souvent / action constante
Farine de blé : T 15 min, très souvent / action constante
Farine de soja gras grillé : T 10 min, 1 hit (2 fois testé)
Farine de soja grillé : T 10 min, 1 hit
Poudre d’œuf : T 5 min, très souvent, les carpes se battent – c’est la folie !
Farine de sang : T 10 min, 0 hit
Levure de bière : T 10 min, 10 hits
Farine de viande : T 10 min, 22 hits
Farine de krill : T 10 min, 15 hits
Bétaine : T 10 min, 1 hit
GLM : T ?, 11 hits
Poudre de piment fort : T 10 min, 1 hit
Poudre de piment doux : T 10 min, 1 hit (soja gras avec 5% de poudre de piment fort)
Poudre d’ail fort : T 10 min, 0 hit
Poudre d’ail coupé : T 10 min, 1 hit (soja gras avec 5% de poudre d’ail fort)
Sel : T 4 min, 0 hit (très soluble – les carpes ne s’en approchent pas)
Lactalbumine : T 10 min, 8 hits
Solar Powdered Candy coupé : T 10 min, 5 hits (2 cuillères à café sur un gobelet de soja gras)
Dreambaits Sweet coupé : T 10 min, 9 hits (2 cuillères à café sur un gobelet de soja gras)
Spirulina : T 15 min, 0 hit
Poultry Proteïne : T 10 min, 15 hits
Du lait en poudre : T 10 min, 1 hit
Poudre de foie hydrolysé : T 10 min, 13 hits
Albumine d’œuf : T 10 min, 4 hits (4 fois une réaction agressive)
Farine de poisson : T 10 min, très souvent / action constante
Farine de poisson prédigérée : T 10 min, (très souvent / action constante)

Observations

Les résultats ne se mesurent pas seulement en nombre de hits mais aussi en intensité du comportement alimentaire. Bien sûr il n’existe pas d’outil gradué pour mesurer le comportement alimentaire. Mes jugements sont le résultat de mon interprétation des images que je vois à l’écran. Un hit normal représente un poisson qui saisit ou tente de saisir la bille en liège en passant ou, dans le cas du ballon en bas de Nylon s’arrête juste pour le suçoter un coup. Avec la plupart des substances et ingrédients les carpes continuent leur chemin après un premier contact pour revenir à la charge un peu plus tard. Toutefois, dans quelques cas, elles deviennent hyperactives et s’acharnent sur la bille ou sur le ballon. Ceci pourrait indiquer la différence entre « remarquer et inspecter » et « reconnaître quelque chose de comestible »…

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Couleur et son

Quand on nous donne une bouillette, notre premier réflexe est de la sentir, et éventuellement de la goûter. L’odorat et le goût semblent plus intéresser les carpistes que les autres sens des carpes. Est-ce bien intelligent ? Cela nous semble logique étant donné l’image que nous avons du monde aquatique, un monde où la vue humaine est limitée et où le son nous semble brouillé. Sous l’eau on se croit à moitié aveugle et pratiquement sourd.

Depuis quelques années, nous nous intéressons tout de même un peu plus à la couleur de nos appâts, inspirés des nombreux films underwater qui nous permettent de visualiser les choses, mais le plus souvent nous nous limitons à nos esches. Quant aux sons, quelques carpistes ont déjà évoqué le facteur « Crunch » de nos appâts, mais sur quels faits se basent-ils ? Est-ce que la vue et l’ouïe jouent un rôle dans le comportement alimentaire des carpes ? Si oui, de quelle façon et à quel degré ? Jusqu’à maintenant les théories sont assez floues. C’est pour cette raison que j’effectue une deuxième série de tests.

L’importance de la couleur

Les premiers tests concernent les contrastes. L’idée est née de l’observation suivante.

Je me suis procuré du gravier de la même couleur que les pellets utilisés pour nourrir les carpes. De cette façon les carpes ne peuvent pas bien « voir » la présence des pellets et sont donc dépendantes de leurs sens olfactif et gustatif pour se nourrir. Ce type de conditionnement est favorable pour bien mener mes tests avec les substances et les ingrédients.

Je suis toutefois surpris de voir que les carpes ont du mal à trouver et saisir les pellets, au point qu’elles se remplissent la bouche de gravier pour filtrer le tout ! Pas dans l’immédiat, car elles peuvent d’abord suivre visuellement les pellets qui coulent vers le fond au moment où je les nourris, mais après en avoir saisi une première bouchée et que tous les pellets sont posés sur le fond, elles ont du mal à les trouver de façon ciblée. Finalement je n’utilise pas le gravier pour mes tests de substances et d’ingrédients, mais cela me donne des idées pour des tests supplémentaires.

La question : est-ce que les carpes saisissent plus facilement une nourriture qui contraste avec le fond ?

Les conditions du test :

– Deux surfaces colorées : orange et jaune.
– Deux bouillettes : orange et jaune (le plus proche possible des couleurs des surfaces utilisées)
– Présenter les deux bouillettes à 2 ou 3 centimètres l’une de l’autre.
– Des carpes qui n’ont été nourries qu’avec des pellets marron foncé, donc de couleur très différente par rapport aux bouillettes sont utilisées pour le test.
– Les deux tests sont répétés 10 fois.
– Je note l’ordre dans lequel les bouillettes sont saisies.

Lors du premier test nous plaçons une demi-bouillette orange et une demi-bouillette jaune sur une surface jaune. Dans ce cas de figure l’appât orange saute aux yeux, alors que l’appât jaune n’est détectable que par ses contours. Lors du deuxième test nous inversons tout : une bouillette orange et une bouillette jaune placées sur une surface orange. Chaque test est répété dix fois et je note à chaque fois quel appât est pris en premier.

Après les dix premiers tests sur la surface jaune, je suis impressionné de voir l’effet positif du contraste créé par l’appât orange. Bien que je compte un peu sur ce résultat, la réalité est encore bien plus accentuée que je l’imaginais car, à plusieurs reprises, les carpes passent d’abord par-dessus l’appât jaune sans le toucher, pour ensuite saisir l’appât orange. L’appât jaune n’est gobé qu’une seule fois, après l’appât orange. Lors des neuf autres essais l’appât jaune est complètement ignoré !

D’après ces résultats je soupçonne qu’en inversant le test, l’appât jaune soit pris à chaque fois en premier. Mais je me suis complètement planté ! Ici on voit clairement les limites de la pensée ou de la logique humaine dans le domaine de la pêche ! Lors de la deuxième série de tests les carpes ont une fois de plus saisi 10 fois de suite l’appât orange en premier.

Le résultat de ces premiers tests est si catégorique que je décide de les répéter 24 fois, et de nouveau, l’appât orange est pris en premier à chaque fois ! A vrai dire, je ne sais pas comment interpréter ces résultats. Pourquoi à chaque fois l’orange et pas le jaune ? Les carpes ont un spectre visuel plus large que les humains. Le spectre des couleurs s’étale entre des ondes courtes et des ondes longues au milieu desquelles se trouvent l’orange et le jaune, et l’œil d’une carpe les distingue très bien toutes les deux. Pourtant l’effet de ces couleurs sur le comportement alimentaire des carpes est très différent. Le fait est que les ondes de la couleur orange sont plus longues, il s’agit d’une couleur plus chaude.

Finalement, pour mieux comprendre, je réalise un troisième test pour vérifier si les couleurs plus chaudes stimulent plus les carpes.

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Les conditions du test :

– Cinq couleurs de bouillettes : rose, orange, jaune, blanc et bleu.
– Les bouillettes sont présentées par groupes de cinq (une de chaque couleur).
– Les bouillettes sont disposées de façon aléatoire mais à chaque fois dans un périmètre de 20 centimètres sur une surface neutre.
– Le test est répété 20 fois.
– Je note l’ordre dans lequel les bouillettes sont saisies.

On voit clairement que les bouillettes aux couleurs les plus chaudes, la rose et l’orange, sont quasiment systématiquement prises en premier. Le blanc, bleu et jaune se positionnent très loin derrière. Par contre, si je propose de façon individuelle l’une des autres couleurs aux poissons celle-ci est saisie instantanément. C’est uniquement en présentant les cinq couleurs en même temps que les couleurs les plus chaudes partent en premier. Quant à la raison, impossible d’avancer une quelconque théorie, mais dans la pratique, il existe de nombreux exemples qui soulignent l’importance des couleurs dans l’efficacité de nos appâts. J’ai toujours soupçonné par exemple, que l’efficacité du Robin Red est plus due à la couleur rouge qu’il donne à nos bouillettes qu’à son goût spécifique. Un soupçon qui, grâce à ces tests, gagne un peu en crédibilité.

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L’effet des sons

Qu’est-ce qu’il reste du caractère « crunch » d’un ingrédient qu’on incorpore dans une bouillette ? Quel type d’ingrédient ou d’appât produit le plus de bruit ? Jusqu’à quelles distances les sons portent-ils dans l’eau ? Il faudrait apporter des réponses à toutes ces questions avant de pouvoir espérer utiliser le facteur son à notre avantage, mais il y en a trop pour y répondre en seulement quelques jours de tests. Le plus important dans un premier temps est la prise de conscience. Après avoir effectué quelques tests basiques je suis maintenant convaincu que le facteur « son » mérite autant notre attention que le goût, l’odeur ou la couleur de nos appâts.

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Mesure du son produit par une carpe qui broie le chènevis avec ses dents pharyngiennes.

Premier test

Différentes bouillettes sont réalisées avec le même mix d’une texture fine et homogène, contenant à chaque fois 10 % d’un ingrédient « crunchy ». Les bouillettes sont ensuite introduites une par une dans l’aquarium, et à l’aide d’un hydrophone, nous mesurons le volume du bruit produit au moment où une carpe écrase la bouillette avec ses dents pharyngiennes.

DÉCIBELS PRODUITS :

Mixe de base neutre : 12 dB
10% de Birdfood à base d’œufs : 14 dB
10% de coquilles d’œufs : 36 dB
10% de chènevis moulu : 17 dB
10% de Kelp : 15 dB
10% de coquilles de huitres : 41 dB
10% de cacahuètes moulues : 23 dB
10% de farine de Krill : 13 dB

Un test très simple qui donne beaucoup d’informations. A part les coquilles d’œufs et les coquilles d’huitres, les autres ingrédients « crunchy » augmentent à peine le volume mesuré. Par contre, les graines entières (tout comme les coquilles) produisent des sons dont le volume est bien plus fort, et de ce fait, permettent aux poissons de vivre une réelle expérience auditive. Tout d’un coup, on joue sur un nouveau sens pour tenter d’attirer et/ou de stimuler les carpes. Mais de quelle façon se traduisent ces faits dans la pratique ?

Deuxième test

A l’aide d’un crusher et un hydrophone, nous tentons de mesurer à quelles distances les bruits portent sous l’eau. Nous remplissons le crusher avec des croquettes pour chiens ou des noix tigrées et nous l’actionnons sous l’eau. Les sons sont mesurés à plusieurs distances jusqu’à ce qu’ils ne soient plus perceptibles avec nos instruments.

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Concernant le son produit par les croquettes pour chiens, celui-ci est très bien perceptible à 20m, bien perceptible à 50m et faiblement perceptible à 100m.

Le son produit par les noix tigrées est bien perceptible à 20m, faiblement perceptible à 50m et non perceptible à 100m.

Nous avons choisi des croquettes pour chiens qui font vraiment beaucoup de bruit sous l’eau et des noix tigrées, car elles se prêtent mieux au broyage. Comme vous pouvez le voir, les bruits portent assez loin, et ce, alors que nous utilisons des instruments de mesure très simples. L’ouïe des poissons est toutefois nettement plus performante. Pour ceux qui ne le savent pas, les carpes possèdent un petit os appelé organe de Weber, qui relie l’oreille interne à la vessie natatoire. La vessie natatoire fonctionne comme une sorte de caisse de résonance qui amplifie les sons. Grâce à cette particularité anatomique, les carpes entendent très bien. Prenons maintenant la distance de 100 mètres, à laquelle j’ai pu mesurer le bruit des croquettes pour chiens. On peut supposer, sans risque de se tromper, que les carpes peuvent entendre ce bruit jusqu’à au moins cette distance. Connaissez-vous un autre ingrédient capable d’attirer les poissons dans un périmètre de 100 mètres ? Rien que ce fait suffit pour prendre conscience de l’importance du bruit sous l’eau et de sa possible influence sur le comportement alimentaire des poissons.

Mot de la fin

Il existe d’autres sens que le goût et l’odorat, et d’après les résultats des tests il me semble important d’en tenir compte lors de la conception d’une bouillette. Pour être bonne, celle-ci doit être polyvalente, en émettant des signaux pour stimuler l’ensemble des sens des poissons. Ce n’est pas en changeant juste le parfum d’une bouillette qu’on va faire des miracles. Pour vraiment optimiser nos appâts il faut tenir compte de toutes leurs caractéristiques. Le projet que j’ai mené avec les différents tests avaient pour but d’avancer d’un pas dans ce domaine. Mais plus j’apprends, plus je me dis qu’il y a des tas de choses qu’on ne sait pas encore…

Remerciements

Sans aide, je n’aurais jamais pu effectuer tous mes tests dans de bonnes conditions. J’aimerais donc remercier les personnes, firmes et instances suivantes : Carp Farm pour m’avoir fourni les poissons ; Nash Bait, Cipro, CC Moore, Solar, Dream Baits pour les produits, substances et ingrédients ; SBBK (Association Hollandaise pour la Défense des Intérêts des Carpistes) pour leur donation financière ; KSN (Groupe Hollandais d’Etudes des Carpes) pour leur soutien ; Willem Peters, Dennis de Wilde, Roelof Schut, Harnold Kikkert et Henk-Jelle Zandbergen pour leurs précieux conseils. Mario Gijbels et Ellen Engelen (Dream Baits) pour m’avoir supporté, nourri et aidé lors de toute la période des tests.

Interprétation et Conclusion
Par Leon Hoogendijk

LE RAPPORT JAWADNYA | CARLSDDes rapports de recherches sur des attractants ou stimulateurs pour la carpe, j’en ai lu quelques-uns depuis que je m’intéresse à ce sujet, c’est-à-dire depuis plus de 30 ans ! J’ai moi-même à une époque expérimenté, en testant les réactions de carpes en aquarium. Sauf que, dans mon cas, les moyens techniques n’existaient pas encore pour créer les conditions stables, indispensables pour mener les tests de façon objective, et j’en étais conscient.

Et c’est bien pour cette raison que j’ai toujours attaché plus d’importance aux résultats obtenus lors des tests sur le terrain. Pas sur quelques jours de pêche bien sûr, ni sur plusieurs sessions. Daniel a raison quand il dit que cela n’a aucun sens de tirer des conclusions sur l’efficacité d’un produit ou ingrédient après seulement quelques pêches fructueuses. C’est pourquoi les firmes d’appâts vraiment sérieuses travaillent toujours avec des testeurs compétents. Ceux-ci éprouvent leurs produits intensivement, dans des conditions et situations très diverses, le temps qu’il faut (parfois plus de 2 ans !), pour vraiment comprendre leur potentiel avant d’envisager leur commercialisation. Ceci dit, Daniel a fait un travail absolument remarquable, très sérieux, et qui donne énormément matière à réflexion.

Certains résultats ne m’ont pas trop surpris. Je connaissais l’efficacité de l’acide N-Butyrique depuis très longtemps déjà. D’autres résultats peuvent donner une fausse impression quand ils sont mal analysés. L’Aminol par exemple, est l’un des meilleurs attractants et stimulateurs qui existent. Seulement voilà, dans le test effectué, sa grande solubilité ne joue pas à son avantage…il disparaît trop vite. Contenu « à l’intérieur » d’une bouillette, l’Aminol permet, dans le contexte d’un amorçage, de conditionner les carpes à fond, et cela assez rapidement et surtout durablement ! C’est le cas également d’autres produits, tels que la Bétaïne et le NHDC (qui ne figure pas dans ce test), et c’est important, car l’attraction ou la stimulation instantanée ne suffit pas en soi pour « construire » sa pêche. Elle permet juste d’obtenir dans certains cas un résultat rapide, mais pas forcément un gros résultat.

Toujours est-il que la mode évolue actuellement vers l’utilisation et l’optimisation de ce que les anglais appellent les « trigger-bait ». Utilisés en single (solo) ou avec très peu d’amorce en spot et, pour ce type d’approche un attractant et/ou stimulateur puissant, ils peuvent, dans un très grand nombre de cas, avoir une influence très positive sur les résultats de pêche. Toutefois, n’oublions pas que, sur des eaux très difficiles, un appât trop attractif peut également repousser certains poissons de nature très méfiante, ou qui le sont devenus avec le temps…

J’ai trouvé les expériences avec les couleurs très intéressantes, et je dois revoir ma copie concernant le jaune. Quelques carpistes de mon entourage m’avaient déjà confié qu’ils avaient de bien meilleurs résultats avec l’orange, sans pour autant me faire douter sur le jaune. J’aurais dû mieux les écouter ! D’après les tests de Daniel la couleur orange est vraiment géniale ! Et le rose semble même être meilleur encore, mais c’est peu connu car bien moins utilisé dans la pratique, enfin, jusqu’à maintenant…

LE RAPPORT JAWADNYA | CARLSDMalheureusement, ces expériences ne sont effectuées qu’avec des couleurs existantes dans le spectre que couvre l’œil humain. Or le spectre que couvre l’œil d’une carpe est bien plus large et inclut l’infrarouge et l’ultraviolet (invisibles pour nous), ce qui lui permet de très bien voir dans la pénombre ou les nuits de pleine lune par exemple ! Et que dire de la terrible efficacité d’un zig-rig esché d’un minuscule petit bout de mousse noire sans aucun parfum, même la nuit, à condition qu’il y ait la lune ? C’est encore peu utilisé chez nous, mais c’est comme ça que les Anglais cartonnent partout chez eux en ce moment !

Personnellement j’attache moins d’importance aux tests du son car, dans la pratique, les carpes croquent plein de choses tout le temps, et tous ces bruits se mélangent avec bien d’autres encore. A moins d’avoir vraiment un grand nombre de carpes qui se mettent sur un gros amorçage constitué de billes croquantes, là oui, peut-être qu’il pourrait y avoir une sorte de réaction en chaîne qui rend tous les poissons euphoriques. Mais j’ai déjà constaté cela aussi avec des appâts qui ne sont pas forcément croquants, comme le maïs doux par exemple !

Quoi qu’il en soit, les tests réalisés par Daniel comptent parmi les plus sérieux menés jusqu’à maintenant, et ont un intérêt certain sur le plan purement scientifique. Ils nous indiquent très clairement que les réactions des carpes envers certains produits peuvent varier énormément. Ils nous donnent bon nombre d’indices pour créer de bons appâts aussi, ou éventuellement imaginer comment améliorer les appâts qui ont déjà notre confiance. Ils nous permettent d’être créatifs et constructifs, et voilà surtout l’intérêt de ce rapport ! Il ne me reste plus qu’à trouver un moyen efficace pour teinter le maïs en orange fluo !

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