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A la recherche des carpes sur la terre des Indiens
de Olivier Gandzadi
Notre passion a le don de nous transporter dans l’au-delà et de repousser nos frontières.
Le récit que vous êtes sur le point de lire en est un bel exemple.
L’endroit que je vais tenter de vous décrire dans ces lignes fait partie de cette catégorie de lieu magique que la pêche de la carpe et la prospection puissent nous offrir.
La découverte
Tout a commencé par une expédition normale dans l’objectif d’atteindre un lieu bien précis, mais, ce jour-là, quelque chose a fait que j’ai dévié mon chemin en prenant une sortie d’autoroute à moitié du trajet de mon lieu de prédilection habituelle.
Serait-ce le hasard auquel je ne crois pas ou mon instinct de découverte qui m’a poussé à prendre cette décision ?
Je ne peux vous le certifier, mais ce que j’allais découvrir est à couper le souffle.
Comme je l’avais expliqué dans des articles précédents, la Columbia river est parmi l’un des plus grands fleuves des États-Unis.
Il forme une frontière naturelle entre les états de l’Oregon et de Washington sur la côte ouest américaine.
La beauté et la prestance de ce fleuve ne sont comparables à rien de ce que j’ai pu voir auparavant.
Cette sortie d’autoroute allait me mener à John Day Dam, un barrage hydro-électrique géant qui suscitera 3 années de travaux de 1968 à 1971 pour la construction de ce gigantesque édifice de 56 mètres de haut pour un peu plus de 2km de long.
Le barrage est situé dans ce qu’on appelle ici le Columbia River Basin que l’on peut traduire en français par le plateau de la Columbia.
Les Habitants du plateau
Ce plateau est la demeure de quatre principales tribus Indiennes ou natives comme on les appelle ici. Les Nez -Perces, les Yakama, les Umatilla et la tribu confédérée de Warm Spring.
On ne peut s’empêcher de ressentir un peu d’amertume et de tristesse en apercevant ces peuples maintenant minoritaires et pour la plupart démunis, vivant tant bien que mal dans des caravanes ou des campements insalubres attendant encore que le gouvernement leur construise des logements promis sur leur propre terre.
La colonisation ne leur aura laissé en guise de privilège que l’autorisation de la pêche au filet.
D’ailleurs, on aperçoit dans ces endroits de large plateforme en bois construite au-dessus de l’eau un peu à la façon d’une maison sur pilotis, équipée d’un grand filet qui a la saison sert à attraper les saumons migrateurs de la Columbia, ce qui n’est pas sans me rappeler les balances à pibales (petites anguilles) qui jonchent la Gironde dans le Sud de la France.
L’atmosphère du désert
Dans cette région de l’Oregon, la végétation est éparse, composée de petits arbustes remplaçant les grands conifères des gorges boisées de la Columbia.
Nous avons affaire à une topographie semi-désertique où des montagnes rocheuses aux couleurs volcaniques dénudées d’arbres sont la demeure des coyotes, cougar et serpent à sonnette, le vrai paysage de western.
Il n’est pas difficile en scrutant l’horizon d’imaginer une horde d’indiens à cheval surgir de derrière les montagnes.
Le chemin de fer passant le long de la roche est emprunté par des immenses trains de marchandises rajoute un charme à cet endroit pittoresque.
L’eau dans ce secteur est très claire et bien oxygénée grâce aux turbines géantes du barrage qui comporte 2 échelles à saumons, l’une du côté Oregon et l’autre du côté Washington, car suivant la saison, les migrateurs remontent d’un côté ou de l’autre du fleuve.
Et les carpes dans tout ça ?
Bien sûre, dame carpe est présente en bonne densité, mais tout de même un peu moins que certains endroits en amont, mais tout est relatif et mes propos sont vraiment à garder dans le contexte de la Columbia river qui est ultra poissonneuse.
J’ai juste remarqué que j’enregistrais moins de départ ici et que les carpes mettaient plus de temps à rentrer sur les postes amorcés.
Il faut dire que ce n’est pas étonnant vu la densité de nourriture naturelle, ce n’est pas mon petit amorçage qui va détourner les carpes de leurs habitudes alimentaires.
En me baladant sur les berges lors de ma prospection, je remarquais sur les plages de galets un nombre effarant de coquillages échoués dont les carpes se gavent.
Il y a aussi des bancs d’herbier qui doivent abriter une grande quantité de larves dont les carpes se régalent.
Cependant, je n’ai pas constaté la présence d’écrevisses qui généralement taillade mes bouillettes en action de pêche.
Les eaux sont limpides, ce qui donne l’impression de pêcher dans un endroit paradisiaque, mis à part le vent qui souffle toujours très fort, ce qui fait de ce secteur un endroit très prisé par les windsurfers et kitesurfeurs qui font des sauts impressionnants s’aidant du vent et des vagues qui peuvent atteindre jusqu’à 1m de haut et dont l’écume blanche fait penser à des moutons au milieu du fleuve.
La Columbia est tellement grande et diverse que même la morphologie des poissons et la couleur diffère selon les secteurs.
Par exemple, 1h30 en amont où je pêche d’habitude les carpes sont beaucoup plus longues et dorées, tandis qu’ici, nous avons à faire à des poissons plus foncés et trapus ce qui me rappelle un peu les carpes françaises.
Ma première expérience sur ce secteur se soldera par un capot. Mon week-end ayant été entamé par des obligations familiales, je n’ai pu bénéficier que du dimanche pour pêcher.
Je me souviens avoir essayé 2 postes différents sans aucun résultat ni même avoir aperçu une carpe sautée.
Déçu mais pas battu, je décidais de remettre le couvert la semaine d’après.
Cette fois, j’y passerai la nuit.
J’étais complètement obsédé par ce secteur de la Columbia.
Toute la semaine au travail, je voyais les plages de galets et les montagnes rocheuses du plateau, me posant des questions sur le potentiel inconnu de ce secteur, car ici, à la différence de l’Europe, il est impossible de trouver des renseignements concernant la pêche de la carpe.
Tout reste à découvrir et à faire. C’est du pur pioneering (exploration) ce qui fait penser au début des années 80 en France avant l’explosion des nouvelles techniques et la médiatisation de notre passion où tout était encore du bouche-à-oreille.
Enfin le week-end est là. La voiture est chargé prête à partir. Je prendrai la route le samedi matin sans vraiment avoir un poste bien défini à pêcher, je verrai ce que je trouve sur place.
Tout ce que je sais, c’est que je vais pêcher en territoire indien, c’est quand même un truc de fou quand j’y pense !
Pêche et rencontre
Je ne me considère pas comme un pêcheur super technique, j’ai toujours pêché avec mes tripes et par inspiration quand il s’agit de prospection et de repérage.
Après avoir visité plusieurs postes plus ou moins près du barrage, mon choix se portera sur une plage de gravier d’où l’on peut apercevoir la cassure à 2 mètres du bord, ce qui est parfait pour moi.
Cela veut dire que je n’aurai pas à lancer loin pour trouver une bonne profondeur. Pour combler le tout, ma voiture sera garée à 20 mètres du poste, que demande le peuple !
Le sondage effectué et satisfaisant, 3 à 4m de fonds propres, l’action de pêche peut commencer.
Amorçage à la graine et à la bille et pêche au method feeder, telle est mon habitude sur le fleuve.
Le week-end se soldera par une quinzaine de carpes ultra combatives et de couleur foncée ce qui n’est pas mal sur un nouveau poste.
Je pêcherai ce secteur pendant 4 week-ends d’affilés, bien sûr en changeant de poste pour diversifier mon expérience.
Je ferai même la rencontre d’un couple atypique Rusty et Linda.
Lui est un Indien Cherokee et elle, une Américaine d’origine Britannique. Le couple d’un certain âge campe sur ses lieux.
Intrigués par mon activité et mon attirail, Rusty fut le premier à sortir de sa caravane située à une centaine de mètres de mon poste et venir discuter avec moi, alors que j’étais en plein combat avec une carpe tanker dans les herbiers.
Je lui ferai d’ailleurs prendre une photo d’un poisson magnifique, une bicolore, la première de la sorte en dix ans de pêche dans la Columbia.
Il m’avouera m’avoir observé à la jumelle pour discerner si je combattais un poisson ou si j’étais accroché dans un obstacle.
Le lendemain matin, j’étais invité à prendre le petit déjeuner dans leur caravane ce qui fut le bienvenu après une nuit dans mon van.
Ils viendront même passer l’après-midi avec moi emmenant leurs chaises respectives sur mon poste.
Ils s’extasiaient devant chaque carpe et en entendant mes détecteurs. Que du partage dans la bonne humeur avec des gens qui m’étaient complètement inconnus et que la pêche de la carpe m’aura permis de rencontrer.
J’irai aussi prospecter l’autre berge, qui de mon poste semble pleine de coins intéressants.
Accès beaucoup plus difficile et moins accueillant, il y avait des tentes d’Indiens sur le bord de la route ou plutôt de la piste, il y avait des hamacs tendus entre des arbres.
Les Indiens n’étaient pas complètement visibles, je n’avais pas vraiment envie d’aller les déranger.
Je pêcherai sur un poste de ce côté de la rive beaucoup plus profond d’une dizaine de mètres.
J’y resterai trois heures, mais je n’enregistrerai aucun départ, ni même de tape sur les feeders.
En plus de ça, je dois avouer que je n’étais pas tranquille à l’idée de passer la nuit seul ici.
La proximité des montagnes ne m’inspirait pas confiance, je craignais la descente de cougars la nuit à la recherche de nourriture.
Surtout que quelques semaines auparavant, une femme est décédée suite à l’attaque d’un chat sauvage.
Pourtant, j’ai vraiment l’impression que ces eaux profondes me réservent des surprises. Ce jour-là, je décidais de repartir de l’autre côté (Oregon) et je ne toucherai du poisson que le lendemain matin.
C’était comme s’il y avait une panne générale sur le fleuve. Cela veut dire que je vais devoir refaire un essai dans les profondeurs prometteuses, affaire à suivre…
Je ne rentrerai pas dans les détails techniques des montages et approches, c’est juste une ambiance que je me suis efforcé de transcrire et l’excitation à la découverte d’un nouveau secteur jamais pêché auparavant qui est encore loin de m’avoir révélé tous ses secrets.
Des eaux vierges sur un territoire mystique renfermant des secrets et des coutumes connus seulement d’un peuple lié et connecté à cette Columbia river me fascine et ce sentiment ne fait que s’accentuer au fur et à mesure que je la fréquente…