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Immersion sauvage

Laurent Delcourte

Ayant une attirance particulière pour le monde sauvage voir perdu, je vais essayer au travers de cet article, de vous faire partager l’ambiance de cet endroit magique qui se trouve être mon jardin secret.

Je n’ai pas la prétention de me comparer à Bear Grylls, mais plutôt, je me décrirais être un simple baroudeur assoiffé de terre inconnue. L’année passée, j’ai jeté mon dévolu sur une partie de nature ou la main de l’homme n’a pas encore réussi à tout détruire ou façonner à son image. Autrefois, le Rhin vagabond et sauvage créa un paysage typique composé de bras mort et d’îles où il s’est développé maintenant une forêt alluviale luxuriante.

Ce milieu me transforme alors en visiteur d’un monde qui ne cesse de me remettre à ma place et j’apprends à la façon Tom Sawyer, dans cette école sauvage que l’adaptation est la clef de la réussite.

Immersion avec Carp LSD
L’observation permet de recueillir pas mal d’informations.

J’aime particulièrement l’authenticité des endroits hors norme, j’adore côtoyer l’arsenal de ce monde sauvage. Sa forêt mystérieuse me procure un goût pour l’aventure qui réclame un engagement total, sans parler du désir d’évasion hors des limites urbaines qui alimente ma soif de l’inconnu.

Les premières sessions que j’ai réalisées sur ce plan d’eau se sont soldées par une bonne leçon de pêche. Mes approches restaient infructueuses en carpe, mais nombreuses en poisson blanc. Je décide alors de m’expatrier au plus sauvage du plan d’eau afin d’être en totale harmonie avec ce milieu.

Avec le temps, j’ai vite compris qu’il fallait que j’analyse ce paradis avant de le pêcher comme tout autre plan d’eau. Je passe alors une année à traîner autour de ce paradis afin d’y entreprendre des investigations dans le but de me familiariser avec ce nouveau terrain de jeu.

Je me suis également plongé dans une recherche accrue de documentations, de thèses pour le doctorat vétérinaire et bien d’autres bouquins afin de connaître sur le bout des doigts mon sujet favori, la carpe et surtout ses besoins nutritifs.

Voici un résumé des informations utiles que j’ai recueillies pour comprendre les carpes

Voici l’alimentation de la carpe sur le cycle complet de son existence.

Immersion avec Carp LSD
Véritable Hot spot !

La période de frai a lieu entre avril et juin (pour la France) et la durée d’incubation des œufs varie entre 3 et 7 jours en fonction de la température. Dans l’œuf, les larves se nourrissent de vitellus (réserve mise à leurs dispositions dans l’œuf). Elles profitent de cette source de nourriture pendant environ 60 à 70 jours. À l’éclosion, les larves deviennent des alevins.

Ils sont dépourvus de bouches et mesurent environ 5mm. Par l’absence de branchies, la respiration est transcutanée et cela peut durer 4 jours. Au bout de ces quelques jours, la bouche s’ouvre enfin et l’alimentation peut alors commencer.

Les besoins en protéines, glucides, lipides, sels minéraux et vitamines sont gérés par la température de l’eau. Cette opération correspond à l’aptitude de la carpe à convertir l’alimentation ingérée en chair.


Immersion avec Carp LSD
Véritable Hot spot !

Il faut savoir que la carpe n’a pas d’estomac, d’après certaines études, il ne serait pas exclu que des récepteurs similaires soient à la jonction de l’œsophage et de l’intestin antérieur, l’appétit serait alors imposé par une commande physico-chimique.

Les premières années de sa vie, la carpe dépense un maximum d’énergie à l’activité de son métabolisme. Nous pouvons en déduire qu’une baisse d’énergie causera irrémédiablement des retards de croissance et des malformations osseuses.

Les besoins essentiels au bon développement 

Besoin en Glucides
On peut les trouver dans la bioflore aquatique. À part les espèces herbivores, la carpe omnivore à tendance carnivore consomme de temps en temps des végétaux. N’ayant pas la capacité à digérer la cellulose, elles disposent d’amylases qui autorisent la digestion de l’amidon. Ne vous posez plus la question : pourquoi elles aiment tant le maïs ? Simplement parce que c’est le glucide idéal !

Besoin en Protéines
La carpe possède des enzymes utiles à la digestion de la protéine. Cette substance répond au besoin énergétique. Ils sont très importants selon l’espèce et le milieu de vie. Dans nos eaux, le bactérioplancton, le phytoplancton et le zooplancton sont des apports primordiaux.

Besoin en lipides
Ils sont une source importante pour la carpe. Les acides gras sont nécessaires pour la reproduction en période d’ovulation. La carpe les retrouve dans les copépodes (les copépodes sont de petits crustacés qui se développent dans tous les milieux aquatiques), ces derniers constituent la base du régime alimentaire d’une carpe adulte.

Besoin vitamine et sels minéraux
Voilà encore une chose très importante à la santé de nos carpes. Les carences sont à l’origine de différentes maladies et malformations au stade larvaire et juvénile. Elles peuvent aussi occasionner une fragilité immunitaire.

Maintenant que nous connaissons les priorités alimentaires de la carpe, voyons son régime au cours des saisons.

 

En hiver, la carpe se tournera vers la nourriture la plus accessible, la baisse de température des eaux stoppe le développement des planctons. Cependant, la faune benthique (larves et invertébrés) reste très développée.

Immersion avec Carp LSD
Ambiance nature, c’est aussi ça prendre le temps de se poser !

Avec le réchauffement progressif de la surface de l’eau et l’allongement des heures de soleil, les phytoplanctons et zooplanctons se développent en masse en parallèle des éléments benthiques. La carpe change alors son régime et s’oriente vers la consommation de grands crustacés de type Daphnia dont la population pullule.

À noter que si la température reste basse, la faune risque de prendre du temps à se modifier, ce régime peut persister jusqu’à fin mai.

La période estivale entre en scène. Les fortes températures changent la solubilité de l’oxygène dans l’ensemble des couches des plans d’eau. L’instinct de la carpe va la guider vers les eaux tempérées, riche en oxygène et riche en nourriture. À cette saison, les bordures peuplées d’herbiers correspondent précisément aux exigences des carpes.

La faune aquatique subit un bouleversement au profit des organismes associés à la végétation et aux dépens du plancton.

Immersion avec Carp LSD
Ambiance nature, c’est aussi ça prendre le temps de se poser !

L’alimentation se portera donc essentiellement sur des gastéropodes, des copépodes et des oligochètes. D’après une étude faite, il s’avère que les carpes choisiraient les plantes aquatiques molles aux dépens des plantes dures.

Nous pouvons en déduire que leur comportement alimentaire les guidera vers les Joncs, Potamots et Glycérines flottantes et les éloignera donc des Carex et Typhas.

Arrive la période où les journées diminuent ainsi que les températures, la carpe subit alors un pic dans son alimentation afin de constituer des réserves graisseuses pour assurer le passage de la période froide. Son instinct la pousse à consommer toute alimentation bonne à prendre.

Ensuite l’hiver arrive et la carpe passe aux habitudes hivernales plus ou moins brutalement suivant la variation de température.

Autres facteurs influençant l’alimentation de la carpe

– Le sexe, en été, il a été prouvé que les femelles se nourrissent plus que les mâles.
– La profondeur des fonds, une faible profondeur changera la solubilité de l’oxygène et subira plus facilement des variations de température. Les habitudes alimentaires seront alors instables.
– La nature des fonds, dans les gravières, la carpe s’oriente vers des organismes benthiques (crustacés et mollusque) alors que dans des étangs vaseux, la consommation de chironomes sera hors normes.

« L’observation recueille les faits, la réflexion les combines, l’expérience vérifie le résultat de la combinaison » de Denis DIDEROT.

Avec cette quantité d’informations recueillies, je constate immédiatement que ce n’est pas les hotspots qui manquent pour chaque saison de l’année.

Immersion avec Carp LSD
Une eau courante réservant pas mal de surprise.

Au cours de mes sorties photos, j’en profite pour effectuer un travail de localisation qui pourrait trahir la présence de cette dame tant recherchée. Je passe littéralement au crible chaque souche, chaque arbre immergé sans oublier les herbiers afin de ne rien laisser de côté.

Après plusieurs mois, ce que je redoutais le plus arriva, les poissons que je localise se trouvent toujours au cœur des arbres immergés. Le plus dur va être de les sortir en toute sécurité.

La discrétion est de rigueur en milieu sauvage. Posté à l’affût comme un animal sauvage attendant sa proie, j’adapte mon comportement à la technique employée. Le moins de bruit possible et je limite mes mouvements au maximum. Grâce à ce comportement de sniper, j’ai pu observer que les carpes n’osaient pas aller sur les zones d’amorçages. Elles préfèrent graviter autour en regardant les blancs se gaver et se faire prendre au piège.

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