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Road trip en lac de barrage : Acte 1

de Vincent Bouteiller

C’est au travers d’un incroyable dédale de cours d’eau que nos anciens ont bâti d’innombrables barrages, pour la plupart dans les années d’après-guerre, dans des buts divers : hydroélectricité, prévention des crues ou encore pour l’irrigation.

Le paysage pêche français est largement dessiné par ces barrages qui nous offrent une multitude de terrains de jeu.

A l’heure actuelle où il est difficile de se positionner pour ou contre l’édification de barrage, nous nous devons d’admettre qu’en tant que pêcheurs de carpe ou de carnassiers que nous serions bien malheureux sans nos réservoirs créés de main d’homme.

Imaginez notre pays sans Saint-Cassien, sans le Salagou, sans le Der ni même Orient… Mon dieu, quelle tristesse.

Road trip en lac de barrage : Acte 1 | CARP LSD MAGAZINE
Un coin inconnu sur lequel nous n’avons pas la moindre informations…Quel bonheur !

Bien que les plus grands de ces ouvrages soient plus ou moins connus, il reste un nombre incalculable de lieux plus intimistes qui peuvent révéler de beaux trésors à qui ose sortir des sentiers battus.

La découverte d’un nouveau barrage est toujours une aventure passionnante qui relève bien souvent d’une loterie et personnellement, moins il y a d’informations sur le lieu ciblé, plus je trouve cette approche excitante.

Forest Gump a dit : « c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber » et à ce petit jeu là, je dois bien avouer que certaines sessions découvertes ont eu un goût de chocolat amer malgré un emballage toujours luxuriant.

Les dés sont jetés

Pour notre session d’octobre avec mon acolyte Fabien, dit Tix, nous avons jeté notre dévolu sur l’une des 2300 retenues hydroélectriques que compte notre beau pays.

A notre arrivée, nous tombons littéralement sous le charme de cet écrin de verdure sauvage, nappé dans une brume laissant planer un parfum de mystère.

Quel plaisir de se retrouver sur les berges d’un barrage encaissé où la civilisation ne semble pas avoir sa place.

Au détour de l’un des chemins cabossés qui approchent le lac, nous apercevons un seul pêcheur en place et il s’agit d’un pêcheur de carpe.

Au moins nous pouvons déjà en conclure que le poisson que nous recherchons est présent dans ces eaux.

En parlant d’eau, nous sommes plutôt face à un bouillon chocolaté qui s’est fortement coloré avec les précipitations qui se sont abattues ici la semaine dernière.

Nous ne traînons pas à la mise à l’eau, les bateaux sont vite chargés pour partir à l’aventure, nous ne savons où.

Après des heures de navigation et de repérage, il est temps de prendre une décision. Les berges très escarpées nous facilitent la tâche, car les postes sont finalement limités.

Nous choisissons de nous installer sur une pointe de la partie centrale du lac qui nous permettra dans un premier temps de jauger l’activité de ce secteur.

Au petit matin, c’est sans grande surprise que nous nous réveillons sans constater le moindre départ, ni même un seul bip et malheureusement les trombes d’eau qui s’abattent sur nous ne nous laissent ni entendre ni voir le moindre signe d’activité. Il en faut bien plus pour entacher notre moral tant nous sommes encore sous le charme de la découverte des lieux.

La journée passe vite sous nos habits de marin-pêcheur, entre sondage, repérage et placement des lignes dans des profondeurs variées parmi les vingt mètres que nous avons à notre disposition.

Les cartes étant redistribuées, tous les espoirs sont permis. Malheureusement, rien ne viendra interrompre notre bon repas, ni même notre long, trop long sommeil. A l’aube du second matin, nous décidons de plier bagage pour tenter un autre secteur.

C’est reparti pour un tour de bateau en direction de l’amont du lac.

Nous suivons notre instinct et notre bonne étoile qui nous guide en cette direction vue le niveau d’eau qui ne cesse de monter.

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Changement de poste…

Elles sont là !

Pendant notre changement de poste, nous sommes amenés à passer devant le pêcheur qui est en place, malgré notre esprit un peu ours nous décidons de lui rendre visite histoire de prendre la température.

Bien nous en a pris, car le bonhomme est d’une gentillesse sans égal, les discussions vont bon train, Pascal n’est pas du genre timide et une excellente discussion s’engage entre passionnés des grands espaces sauvages.

C’est un partage peu équitable, car notre interlocuteur a du mal à croire que nous sommes venus ici en toute naïveté sans nous être au préalable renseignés sur le cheptel du lac.

Du coup nous n’avons pas grand-chose à lui déballer hormis nos deux nuits stériles, mais Pascal n’étant pas avare, nous informe que de belles surprises nagent ici et que ses résultats des jours précédents sont à la hauteur des nôtres.

Avant de nous quitter nous prenons soin de lui demander si ça ne le gêne pas que nous nous installions en amont de son secteur au cas où il envisagerait de s’y rendre, au cas où Pascal aurait amorcé ce secteur, pas de soucis, nous avons son feu vert et le rendez-vous est pris pour le café du lendemain matin.

Un peu de civisme ça ne fait pas de mal.

Arrivés sur le secteur amont, nous choisissons le poste qui nous permettra d’exploiter le maximum de configurations différentes.

Ici, la pente est assez abrupte devant nous, puis s’apaise un peu aux abords du lit dans des profondeurs maximales de quatre mètres, puis face à nous les gros blocs de pierre prédominent et forment une large pointe, ça sent le passage obligé.

Comme à chaque fois qu’il y a de nouveaux espoirs, l’installation ne traîne pas, il est déjà 18h, tout est en place, mais la journée n’est pas terminée, place à présent à la corvée de patates ce soir nous avons bien mérité un repas de roi.

Les bons épicuriens que nous sommes n’envisagent pas une bonne session sans de bons repas.

Nous engloutissons ce traditionnel steak-frites avec vue sur le lac à l’affût du moindre barbillon de carpe qui sortirait de l’eau.

Bingo, au crépuscule la magie opère, un premier saut, puis un autre… Il n’y a pas de doute, il y a de beaux poissons dans le secteur alors nous filons nous reposer en espérant sortir du duvet avant le chant du coq.

Les heures passent, les sauts de carpes s’enchaînent, mais au fil du temps l’espoir s’amenuise. Nous sommes bien obligés de nous rendre à l’évidence que nous sommes à côté de la plaque et que notre approche n’aura pas porté ses fruits.

Ne pas faire de départ lorsqu’il n’y a pas d’activité ça fait râler, mais ne pas déclencher une seule touche lorsqu’on sait que les poissons sont là… Ca met un coup au moral (pour rester poli).

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L’arroseur, un concentré d’attractant !

Remise en question

Nous imaginions avoir une chance de trouver les poissons vers ce secteur en amont du barrage, suite à la brusque montée des eaux, mais nous devons constater que les poissons viennent ici pour s’alimenter abondamment dans un bouillon concentré de nourriture naturelle en tout genre qui concurrence inéluctablement nos bouillettes fraîches.

Certes, ce n’est pas à notre avantage, mais nous devons composer avec ce paramètre.

Nous nous réveillons sans nous adresser la parole, le regard dans le vide, bien déçu par ce constat, mais rapidement le café allait faire bouillir nos neurones et détendre nos langues.

Que devons-nous essayer ou changer ?

Il est hors de question que nous partions d’ici sans voir à quoi ressemblent ces carpes qui nous narguent.

La journée passe vite et nous essayons de nouveaux spots, tout en explorant un maximum d’options dans la limite de nos huit possibilités.

Côté appâts, nous misons davantage sur l’attractivité au détriment de la quantité. Nos lignes sont à présent amorcées avec seulement quelques bouillettes fraîches et accompagnées d’un stick, d’une boule d’amorce ou d’une pop-up flashy, le point commun étant que le tout soit bien imbibé d’attractant pour que ça travaille un maximum au fond de l’eau afin de susciter l’attention d’au moins un poisson.

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Après des jours de doute, le Graal !!!

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Le soir venu, la torture de l’attente peut rependre, les carpes sont encore là et elles ne s’en cachent pas, nous sommes sur les nerfs, mais confiants pour la suite…

Tic, tac, tic, tac… Les heures passent et enfin vers 3h du matin, c’est la canne de Tix placée sur notre bordure gauche qui ouvre le bal.

Le premier départ dans un nouveau lieu a toujours une saveur particulière et encore plus lorsque le combat s’éternise.

Après quelques frayeurs aux abords d’un arbre immergé, je tends l’épuisette à mon pote qui valide une belle miroir bien grassouillette.

La note est donnée, nous voilà déjà comblés de bonheur à nous en faire oublier les trois jours stériles que nous venons de traverser.

Le reste de la nuit a été calme malgré un grand nombre de sauts dans le secteur.

Nous sommes satisfaits d’un poisson, mais il va falloir rectifier le tir pour nos trois prochains jours en disposant plus de cannes sur des spots similaires sans oublier les abords du lit qui semblent prometteurs.

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Tix nous présente un belle miroir dodue !
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Quel plaisir de tenir un poisson de ces lieux après tant de doutes !

Il y a de belles surprises ici !

La journée sera stérile sans même un signe d’activité, alors vivement une nouvelle nuit. Une lonnnnnnngue nuit sans touche, mais avec toujours autant d’activité, c’est forcément frustrant.

Pascal est venu se joindre à nous pour partager un café qui a du mal à passer avec nos gorges nouées, son constat est le même que le nôtre, malgré des poissons actifs, ils ne semblent pas enclins à toucher à nos appâts.

Alors que les discussions vont bon train et que les cafés s’enchaînent, un départ sorti de nulle part se produit.

Personne n’ose y croire, mais pourtant place à l’action, c’est une canne placée en bordure de lit qui s’emballe.

Je pars avec Tix en bateau pour rejoindre au plus vite l’aplomb du poisson pour limiter les encombres.

C’est un sacré combat qui s’engage et qui s’éternise avec un poisson qui n’est pas décidé à décoller du fond.

Est-ce qu’il y a des silures dans ce lac ?

Nous commençons à douter alors j’augmente d’un cran la pression dans la canne qui n’en demande pas tant. Petit à petit, le poisson monte dans cette eau boueuse et à la vue de l’énorme palme qui nous éclabousse, il n’y a plus de doute, c’est une sacrée carpe.

La pression monte d’un cran, nos jambes flageolent et le silence est de mise.

Quelques longues minutes plus tard, c’est une miroir aux proportions imposantes qui se rend sous les applaudissements de Pascal qui nous attend impatiemment au bord et nous annonce : « Je vous l’avais dit, il y a de belles surprises ici ! ».

Nous n’en revenons pas, il y a quelques jours, nous ne savions même pas s’il y avait des carpes ici et voilà qu’à présent nous décrochons le pompon avec un poisson tout en longueur, bien large et magnifique comme nous les aimons.

On a bien mérité un petit apéro que nous avons le plaisir de partager avec Pascal qui en humble passionné est aussi heureux que nous de voir un tel poisson.

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Option attraction !

Nous nous réjouirons de chaque poisson

Il nous reste 48 heures pour espérer que ce barrage se livre un peu plus, soyons patient et nous verrons bien.

En attendant une éventuelle prochaine touche le soleil fait enfin son apparition pour la première fois de la semaine, nous en avions oublié le spectacle de son couché dans un cadre idyllique, sublimé par cette chaleureuse lumière, quel pied.

Côté pêche, nous poursuivons notre approche attractive qui a grappillé deux poissons jusqu’à présent.

Ce finish est ponctué par deux nuits productives, nous sommes récompensés par trois magnifiques poissons, ce n’est pas la folie, mais nous savons largement nous contenter d’une belle moyenne au détriment d’un grand nombre de touches.

Les poissons qui ont passé un instant en sac de conservation nous dévoilent qu’ils s’alimentent abondamment de leur nourriture naturelle, ce n’est pas à notre avantage, mais c’est souvent ainsi lors des fortes montées d’eau en barrage.

Cette session découverte touche déjà à sa fin, bien que satisfaits de cette première venue, ce lieu, ces poissons et les tas d’inconnus qui nous restent à percer nous donne qu’une seule envie, celle de revenir au plus vite.

C’est décidé, le rendez-vous est pris pour septembre prochain…

Affaire à suivre.

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Nous apprécions à leur juste valeur chaque prise !
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Enfin un peu de soleil pour finir la session…

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