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The « REEL » story…

Mes moulinets depuis les années 70 | Leon Hoogendijk

Passionné gravement atteint par le virus de la pêche sportive depuis ma tendre enfance, je me suis aussi toujours intéressé à ce qui se fait de mieux au niveau du matériel. Je suis un amoureux du beau matos, du matériel réellement performant. Cela concerne aussi les moulinets, d’autant plus qu’il s’agit là de pièces d’équipement purement mécaniques. Pour moi un moulinet ne se résume pas à une bobine, un frein, un anti-retour et quelques engrenages. C’est aussi un objet personnel auquel je m’attache et qui surtout doit m’inspirer une confiance totale.

J’ai acheté mon premier vrai bon moulinet en 1975 avec l’argent gagné en cueillant des tomates pendant les vacances scolaires. Je lisais déjà des magazines et des livres de pêche. À cette époque les moulinets les plus réputés dans l’univers carpe étaient des Mitchell 300 (versions diverses).

L’histoire du fameux moulinet français Mitchell série 300 est tout simplement incroyable. La première version d’un Mitchell 300 (qui ne s’appelait pas encore « 300 ») a été conçue en 1939/40 et fabriqué en quantité très limitée, c’était le premier moulinet commercial du type « spinning » de l’histoire.

C’est également avec un Mitchell de ce type que Richard Walker a capturé son record Clarissa au Redmire Pool en 1952. En 1966 Mitchell a produit son 10.000.000ème moulinet. En 1970 la production atteignait les 12.000 exemplaires par jour ! Un an plus tard la firme française produisait son 20.000.000ème exemplaire !!!

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À gauche en haut et au milieu : une version préhistorique du fameux Mitchell 300 datant des années 40, avant et après restauration. À gauche en bas : une version estampé « Garcia » pour le marché américain datant de la fin des années 60. À droite : un Mitchell 300-A en parfait état fabriqué en 1983 que j’ai récemment acheté sur Ebay.

En 1975, soit 36 ans après la sortie de la première version, les Mitchell 300 étaient toujours au top, finalement il allait finir sa carrière en l’an 2000, après près de 53 ans de bons services ! A cette époque j’aurais adoré pouvoir m’en offrir un.

Seulement voilà, Internet n’existait pas, mon seul moyen de transport était le vélo et aucun magasin d’articles de pêche dans un périmètre raisonnable n’avait ce moulinet en stock au mois d’août. L’argent que je venais de gagner me brûlait les mains et il me fallait à tout prix un très bon moulinet pour mes pêches automnales. Je venais d’avoir 11 ans et c’était une question de vie ou de mort !

Shakespeare 2200 II

Il y avait aussi l’Abu Cardinal 44, considéré comme la Rolls Royce des moulinets pour la carpe par les grands spécialistes hollandais, mais bien que ce moulinet me fasse rêver, il ne correspondait pas à mon budget. Heureusement j’ai trouvé une très bonne alternative : le Shakespeare 2200 II sortie un an plus tôt et conseillé chaudement par la presse halieutique de l’époque.

C’était un vrai petit bijou : bobine en aluminium avec bouton pour échange rapide, frein micrométrique (super doux) à 8 disques, roulements à billes, pick-up et manivelle rabattable et protégé par deux épaisses couches de vernis métallisé poli. La qualité de finition était vraiment remarquable et mécaniquement parlant ce moulinet était parfait.

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La série 2200 de Shakespeare était proposée en 3 tailles : 2200, 2205 et 2210. En 1975 c’était le modèle le plus petit qui s’imposait pour la pêche de la carpe !

Bien sûr, comparé aux moulinets actuels utilisés pour la carpe ce Shakespeare était minuscule, mais à l’époque on pêchait la carpe avec des cannes de 10 pieds dont la puissance ne dépassait pas les 1,5 lb. On préférait pêcher la carpe de façon subtile, avec un Nylon de 22/00, et on n’avait pas besoin de pêcher à plus de 60 mètres pour prendre du poisson. Le plus souvent on pêchait en bordure.

Abu Cardinal 4

C’est en 1978 que j’ai (enfin !) pu m’acheter mes premiers moulinets Abu. J’avais 14 ans et j’allais pouvoir pêcher avec ce qui était sensé être les meilleurs moulinets disponibles sur le marché. J’étais au septième ciel ! Ce furent des Abu Cardinal 4, les remplaçants de la célèbre série 44. Techniquement ces moulinets de fabrication suédoise étaient très intéressants. Contrairement à un engrenage classique composé d’une roue de commande et un pignon, les moulinets Abu étaient conçus avec un engrenage basé sur une roue de commande et une vis sans fin, ce qui permettait de procurer une fluidité de fonctionnement exceptionnelle et remarquablement silencieuse.

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Le légendaire moulinet suédois ABU Cardinal 44.
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Son remplaçant l’ABU Cardinal 4 (en bas) que j’ai pu m’offrir en 1978. L’engrenage basé sur une vis sans fin tournait comme une horloge suisse.

 

Leur système de frein était intégré dans le bâti, donc à l’abri de l’eau et de la poussière, et le réglage se faisait par un bouton numéroté situé à l’arrière sous le bâti, facilement accessible lors d’un combat. Ce frein faisait la réputation de la marque Abu, mais avec le recul je dois avouer qu’il n’était pas si performant que ça car pour bien fonctionner il nécessitait un entretien particulier : il fallait régulièrement (plusieurs fois par an) démonter le bâti du moulinet pour nettoyer les disques et les re-graisser avec de la poudre de graphite…

Abu Cardinal 54 et 55

En 1981 j’ai craqué pour les Abu Cardinal 54, et deux ans plus tard pour les 55. J’aurais mieux fait d’acheter des 55 tout de suite mais je les trouvais un peu grands à mon goût (bien que bien trop petit par rapport aux normes actuelles !)…

 

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Le moulinet carpe ultime du début des années 80 : le fameux ABU Cardinal 55

Au début des années 80 le Cardinal 55 était résolument devenu LE moulinet carpe ultime ! Il était indissociable des premiers Optonic, des « Monkey Climber » et du montage au cheveu. Son design était ultra-moderne (avec sa bobine noire enveloppante) et techniquement il était supérieur au Cardinal 44 et 4, avec un frein arrière dans l’axe de la bobine qui était nettement plus performant.

A l’époque tous les grands carpistes anglais utilisaient des Cardinal 55 : Kevin Maddocks, Peter Mohan, Rob Maylin, Ritchie Macdonald, etc. En 1981, dans sa bible « Carpe Fever », Kevin Maddocks attestait clairement sa préférence pour ce moulinet : « Les trois moulinets les plus utilisés pour la pêche de la carpe sont les Mitchell, les Abu Cardinal 55 et les Shimano Baitrunner (n.d.l.r. : qui venaient de sortir peu avant). J’utilise moi-même le Cardinal 55 depuis 1978. Je ne lui ai trouvé aucun défaut bien qu’il ait besoin d’être graissé généreusement avant sa première utilisation pour un rodage en douceur. Son meilleur atout est son frein qui est extrêmement fiable, doux, facile à régler et insensible aux variations de température (n.d.l.r. : un vrai fléau avec de nombreux autres moulinets de l’époque)… Mis à part une mécanique de grande qualité, un autre point positif est son pick-up à double ressort, un vrai must. »

Les moulinets Abu (Cardinal 4, 54 et 55) ont fait mon bonheur pendant 8 ans, et pendant ce temps aucun d’entre eux n’a pris du jeu ou a montré des signes de faiblesse ou d’usure inquiétantes. C’était de la qualité « made in Sweden » sur laquelle on pouvait vraiment compter.

Penn 450 SS Metal Body, Shimano BTR 4500 et Aero GT 4500

En 1986 je me suis fait plaisir en m’achetant deux moulinets Penn 450 SS tout métal made in USA. Ces moulinets, à part être solides comme un tank et avoir un frein super performant, n’avaient rien de spécial techniquement parlant, et c’était justement un facteur apprécié par les puristes de l’époque. Pêcher avec un Penn correspondait à afficher un certain goût pour la qualité et la simplicité. Et malgré leur extrême simplicité, les Penn étaient des vrais moulinets haut de gamme (et très cher à l’époque !).

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Un moulinet apprécié par les puristes des années 80 : le Penn 450 SS Metal Body. Le moulinet photographié ici est un exemplaire que j’ai récemment retrouvé sous une énorme couche de poussière dans mon sous-sol !

Jusqu’en 1986 je ne pêchais jamais avec plus de deux cannes qui était le maximum autorisé aux Pays Bas, mais cette année là j’ai commencé à faire des sessions en France où il était possible de pêcher à 4 cannes, ce qui était loin d’être un luxe car c’était l’époque du pioneering, et même avec 4 cannes les touches étaient plutôt rares ! Toujours est-il qu’il me fallait quatre cannes et donc aussi quatre moulinets. J’ai donc décidé de compléter mon jeu de Penn avec deux Shimano BTR 4500, des moulinets du type « baitrunner » à la pointe de la technologie, radicalement opposés à mes deux Penn.

Aujourd’hui tout le monde a l’habitude de pêcher avec un jeu de cannes et de moulinets identiques pour former une batterie homogène et cohérente. Au milieu des années 80 il était tout à fait normal de pêcher avec plusieurs types de cannes et de moulinets différents. Il était considéré comme logique de posséder deux cannes paraboliques pour les pêches de bordure et deux cannes à action de pointe (appelées « Fast Taper ») pour les pêches à distance (jusqu’à environ 90 mètres).

 

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Le Shimano BTR 4500. C’est ce moulinet qui a lancé la mode des freins débrayables pour la pêche de la carpe dans les années 80. C’était un moulinet mécaniquement complexe, moderne et de très bonne qualité.

Si j’ai craqué pour les BTR 4500 c’était tout simplement car ces moulinets étaient à la mode. J’étais encore sceptique en ce qui concernait l’utilité d’un système de débrayage de frein, et je trouvais le moulinet un peu trop « plastoc », mais je ne voulais pas mourir con. A vrai dire j’étais bien plus fier de mes Penn ! Ce n’est qu’à travers l’usage que j’ai commencé à apprécier la technologie des Shimano.

Vers la fin des années 80 j’étais devenu vraiment « addict » de mes Shimano Baitrunners, et en 1990 j’ai fini par remplacer mes deux Penn par deux Shimano Aero GT 4500 pour pouvoir pêcher uniquement avec des systèmes débrayables. Les Aero GT avaient un design plus compact que les BTR et étaient assez proches des ST 10000 RA commercialisés aujourd’hui. A l’époque le design de l’Aero GT était d’enfer, racé, futuriste, beau. Mais la mécanique était un peu légère, il n’était pas destiné à des pêches fortes.

 

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L’Aero GT 4500, successeur des BTR 4500. Un look d’enfer mais pas très solide…

J’ai récemment retrouvé l’un de mes moulinets Penn au sous-sol sous une couche de poussière qui fait peur. Pendant des années il a été abandonné dans un carton ouvert sans être protégé contre le froid, la chaleur et l’humidité. J’ai enlevé la poussière et j’ai constaté qu’il tournait encore comme une horloge suisse ! Même le galet du pick-up, pourtant dépourvu de vrai roulement, tournait sans aucune résistance ! Je l’ai nettoyé et re-graissé correctement avec l’intention de peut-être le remonter un jour sur une canne en fibre de verre pour faire une vraie pêche à roder à l’ancienne, juste pour me faire plaisir…

 

 

Les fameux SS 3000 !

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Daiwa Tournament SS 3000. Le moulinet par excellence pour les « specimen Hunters » des années 90 !

L’année 1992 annonce mes débuts dans ce qu’on allait appeler le « specimen hunting » (uniquement sur les grands lacs à l’époque !) et la « pêche à méga-distance » (pose des lignes en bateau à 200 mètres ou plus), bref la pêche extrême ! J’avais rencontré les frères Mahin lors d’une compétition en 1990.

Ils pêchaient avec des Daiwa SS 3000 du fait que leur grosse bobine permettait de lancer plus loin. Je m’en suis souvenu deux ans plus tard, c’étaient des moulinets qu’il me fallait pour affronter les conditions extrêmes, très solides, superbe frein et possédant une bobine de très grande capacité ! La mode des moulinets du type Big Pit n’a commencé que réellement au début des années 90, et les SS 3000 étaient les premiers moulinets du genre utilisés par les carpistes.

Vers le milieu des années 90 le SS 3000 était devenu légendaire. C’était incontestablement le moulinet le plus utilisé par les carpistes des grands lacs. La mode était désormais 4 cannes 13 pieds 3,5 livres avec 4 SS 3000 pendus dessous et posées sur un rod-pod Amiaud Extrême incliné vers le ciel !

Côté solidité les SS 3000 étaient irréprochables, mais ils n’avaient pas le système de débrayage des Shimano Baitrunners. J’ai pu résoudre ce problème en équipant mes SS 3000 d’adaptateurs spéciaux à la place des vis de frein sur l’avant de la bobine. Ces adaptateurs étaient fabriqués artisanalement par un ami hollandais. Ils étaient en aluminium chromé et possédaient un levier pour débrayer le frein. Plus tard nous avons perfectionné ce système en ajoutant une vis de réglage dans le levier.

Mes SS 3000 en ont vu de toutes les couleurs. Je les ai utilisés montés en tresse dans les conditions les plus extrêmes, intensivement et pendant de nombreuses années, et je n’ai jamais eu le moindre problème ! Seuls les petits galets autoguidés en caoutchouc situés sur les côtés en bas de la bobine (servant à éviter que le fil passe sous la bobine) ont fini par rendre l’âme et j’ai été obligé de les remplacer une fois. Mais cela reste un problème mineur sans conséquences. Pour le reste, R.A.S. !

Shimano Big Baitrunner Long Cast

Bizarrement je ne me souviens pas exactement l’année où je me suis équipé avec les Shimano Big Baitrunner Long Cast, 1996 ou 1997… En 1993, dans mon livre « L’évolution de la pêche de la carpe » j’avais écrit : « Nous attendons tous un SS 3000 débrayable ou une version plus fiable de l’Aero GT avec une bobine beaucoup plus grosse ! Je suis pratiquement sûr et serais étonné du contraire, qu’un tel moulinet sera disponible dans moins de deux ans à compter d’aujourd’hui.

Ce jour là, j’en achèterai quatre pour ne plus jamais en changer. » Je ne me suis pas trompé beaucoup car le Shimano BBLC est sortie au milieu des années 90 !! C’était le premier moulinet Big Pit avec système de débrayage intégré ! Ce système de débrayage était bien plus performant que sur les anciens baitrunners avec lesquels la plage de réglage du débrayage était trop limitée, et trop faible au niveau résistance. Avec le Shimano BBLC ce système était pratiquement un deuxième frein, idéal pour pêcher les zones à risques.

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Shimano Big Baitrunner Longcast. J’avais deviné leur sortie quelques années auparavant dans mon premier livre…

Le Shimano BBLC était un produit abouti pour son temps, bourré des dernières technologies Shimano : débrayage et frein très performants, bobine très large et à grande contenance (600 m de 30/00 !) en aluminium, Hypergear (ajustage extrêmement précis des engrenages), galet en titane Power Roller (anti-vrillage), bâti hybride en aluminium, Floating Shaft (axe flottant pour une plus grande fluidité), anti-retour Super Stopper II instantané, engrenages forgés à froid (un gage de solidité), Aero Wrap (oscillation super lente pour une meilleure répartition du fil sur la bobine), Biogrip (poignée manivelle ergonomique), Dyna Balance (rotor équilibré et stable), 5 roulement ARB (anti-corrosion) et un roulement à aiguilles ! Qui dit mieux ? Mais il y avait quand même deux points négatifs. La récupération de 1m16 par tour de manivelle était très inconfortable pour ramener des gros plombs posés à méga-distance et son poids de 790 grammes déséquilibrait l’ensemble canne-moulinet… Cette grande vitesse de récupération faisait également souffrir un peu plus les engrenages. Au bout de 8 ans d’utilisation la mécanique a pris du jeu, mais sans que cela n’empêche le bon fonctionnement du moulinet.

 

 

Daiwa Tournament Entoh 5500

En 2004 j’ai changé mes Shimano pour des Daiwa Tournament Entoh 5500, plus légers et moins rapides que les BBLC. Personnellement je pense qu’il s’agit là de l’un des tout meilleurs moulinets Big Pit pour la carpe que Daiwa ait produit. Le frein micrométrique est d’une douceur époustouflante et la fluidité de la mécanique qui tourne sur 11 roulements placés aux endroits réellement utiles est un vrai régal à l’usage. La construction est solide et l’oscillation à double vitesse garantit un remplissage parfait du fil sur la bobine permettant de gagner en distance de lancer. Monté sur une canne 12’6 pieds ou 13 pieds d’une puissance de 3,5 lb son poids de 605 grammes n’est pas excessif et crée un bon équilibre de l’ensemble.

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Les 4 moulinets avec lesquels je pêche en toute confiance depuis 8 ans : des Daiwa Tournament Entoh 5500.

Avec les Entoh 5500 j’ai pu abandonner sans regret le système de débrayage du frein auquel j’étais si attaché depuis de nombreuses années. Pourquoi ? Parce qu’avec le temps ma façon de pêcher avait changé. Avec les cannes bien bloquées sur les piques ou sur un rod-pod stable je me suis rendu compte qu’il valait mieux ne pas trop desserrer le frein et cela pour deux bonnes raisons : d’une part pour mieux piquer les carpes lors d’une touche et d’autre part pour limiter l’impact négatif d’un plomb qui est secoué dans tous les sens lors d’un départ (provoquant parfois un décrochage avant qu’on ait le temps d’attraper la canne).

Après 8 ans d’utilisation intensive montés en tresse et sans entretien particulier (j’ai nettoyé et re-graissé les disques de frein une seule fois …au bout de 7 ans !), ces moulinets fonctionnent encore à merveille, aucun point de faiblesse, et la mécanique n’a pas pris de jeu !

 

 

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