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Des communes pas si communes !

de Leon Hoogendijk

De toutes les variétés de carpes que nous avons le bonheur de pouvoir pêcher, la carpe commune est la variété la plus ancienne, la plus authentique et la plus répandue au monde, étant présente dans les eaux de tous les continents sauf les régions polaires.

C’est la carpe commune sauvage qui est à l’origine de toutes les autres variétés créées ensuite par l’intervention de l’homme, telles que les miroirs, cuirs, linéaires et autres tartes aux pommes.

La carpe commune est un poisson résistant capable de survivre et de s’adapter à une multitude d’environnements, mêmes les plus extrêmes.

Depuis toujours elle intrigue les hommes, qu’ils soient scientifiques, pisciculteurs, pêcheurs professionnels ou pêcheurs sportifs.

Pourtant, malgré toutes les connaissances acquises à son sujet, la carpe commune continue à fasciner et conserve sa part de mystère.

Le mystère concerne notamment les origines de la carpe commune sauvage, ou plutôt les carpes communes sauvages car grâce à des recherches sur le plan génétique nous savons désormais que l’histoire de la carpe commune est plus complexe que nous le croyions auparavant.

Il y a 225 millions d’années tous les continents étaient encore attachés pour former un seul super-continent : la Pangée.

A partir du moment où les plaques continentales ont commencé à se déplacer et se séparer pour former l’Antarctique, l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Australie, la flore et la faune ont subi un isolement.

Cet isolement a obligé les différentes formes de vie à muter, s’hybrider, s’adapter, donc à se développer de façon différente, ce qui a donné naissance à d’innombrables nouvelles formes de vie.

Encore aujourd’hui on constate que la flore et la faune s’adaptent en permanence à des environnements changeants.

L’histoire de la carpe commence dans les eaux des plaines de la Pangée. En 2000, des restes fossiles vieux de 200 millions d’années d’un poisson ressemblant sur certains points à la carpe ont été découverts en Utah USA !

De nombreux fossiles datant de l’ère Oligocène (-25 à -40 millions d’années) nous montrent l’existence de cypriniformes pas très éloignées de la carpe commune sauvage telle que nous la connaissons aujourd’hui.

A cette époque le véritable ancêtre de notre carpe commune vit dans certaines eaux de l’Eurasie, un super-continent formé par l’Europe et l’Asie.

Nous ne savons pas à quel moment exact la vraie carpe commune (l’espèce Cyprinus Carpio) est apparue, mais des fossiles datés d’il y a plus de 20000 ans trouvés dans la province de Guangxi située dans le sud-ouest de la Chine nous prouvent sa présence dans cette région à cette époque.

Aujourd’hui des évidences existent qu’après la dernière période glaciaire (-70000 à -10000 ans) Cyprinus Carpio était également présent dans la région de la Mer Caspienne, la Mer d’Aral et la Mer Noire (qui à cette époque étaient reliées entre elles).

De cette région la carpe a progressivement migré vers les régions de l’est et de l’ouest. Il y a 9000 ans la carpe était présente dans le Danube.

C’est bien plus tard que les carpes arrivent en Europe de l’Ouest, grâce aux Romains (il y a 2000 ans) et aux moines du moyen age qui les apprécient en tant que poisson d’élevage résistant.

Depuis des étangs d’élevage les carpes ont profité des crues et des inondations pour s’échapper et envahir de nombreux cours d’eau. Il est possible (mais pas sûr) que des carpes sauvages authentiques sont aussi naturellement arrivées dans le Nord-Ouest de l’Europe en descendant le Rhin.

Européenne ou asiatique ?

Bien que toutes les variétés de carpes (communes, miroirs, cuirs, etc.) appartiennent à l’espèce Cyprinus Carpio on peut subdiviser les vraies carpes communes sauvages sur le plan génétique en deux sous-espèces : Cyprinus Carpio Carpio (la branche européenne) et Cyprinus Carpio Haematopterus (la branche asiatique).

Des analyses sur l’ADN des carpes royales ont démontré que certaines races allemandes de carpes miroirs descendent des carpes communes sauvages de la Volga (la branche européenne) alors que des carpes miroirs d’une race russe descendent des carpes sauvages asiatiques issues du fleuve Yangtzé (Chine).

Toutefois, ces miroirs allemandes et ces miroirs russes ont au fil du temps été exportées vers un grand nombre de pays européens, où elles ont été volontairement ou involontairement introduites dans de nombreuses eaux.

Certaines miroirs qui nagent dans les eaux européennes peuvent donc être d’origine russe et, si on remonte dans le temps, descendent des carpes sauvages asiatiques déjà présentes dans les fleuves chinois il y a 20000 ans, voire plus !

Et cela ne concerne d’ailleurs pas que les carpes miroirs car nombreuses sont les eaux où après leur introduction elles se sont, à travers plusieurs générations, reconverties définitivement en carpes communes pour redevenir plus ou moins sauvages avec, selon les endroits où elles évoluent, des morphologies, caractéristiques et comportements aussi variés que fascinants !

La carpe commune est donc un nom mal choisi car ce poisson est loin d’être commun ou banal…

Communes sauvages typiques de la Saône.
Commune atypique de la Saône ayant sur le plan génétique visiblement un pourcentage important de sang royal.

La commune sauvage : un poisson extraordinaire !

La carpe commune sauvage créée (ou recréée) par la nature est un poisson puissant et résistant, bien plus que les carpes royales créées par l’homme.

Son corps est plus musclé et mieux oxygéné. Il est capable de survivre dans des eaux très froides ou très chaudes, ou même très polluées, et peut supporter des taux d’oxygène très bas et mortels pour la plupart des autres cyprins.

Principalement carnivore se nourrissant de mollusques, de crustacés, de larves et parfois même de petits poissons, la commune sauvage peut adapter son régime alimentaire et devenir omnivore si sa survie en dépend.

Elle peut aussi cesser de se nourrir pendant plusieurs mois s’il le faut, par exemple dans les eaux nordiques de faible profondeur qui en hiver gèlent pendant plusieurs mois.

Dans ce cas la carpe sauvage s’enterre partiellement dans la vase et entre dans un état d’hibernation.

Elle ne bouge plus du tout et son rythme cardiaque ralentit, en attendant que la glace disparaisse et que l’eau se réchauffe, pour ensuite recommencer un nouveau cycle de vie quand le printemps arrive.

Souvent à tort considérés comme des poissons d’eau stagnante ou de faible profondeur, les communes sauvages n’ont aucun mal à vivre dans un courant puissant ou à évoluer dans des profondeurs vertigineuses (jusqu’à 30 mètres) ! Mon ami Tony Davies Patrick a même réussi à photographier aux Etats Unis des carpes sauvages qui remontaient les cascades tels des saumons !

Carpe commune sauvage du puissant fleuve Saint Laurent aux USA.

Au cours des années que j’ai pêché les carpes, c’est à dire depuis plus de 50 ans déjà, j’ai eu la chance de pouvoir pêcher des carpes communes sauvages dans 12 pays différents répartis sur trois continents.

J’ai bien sûr aussi pêché de très nombreuses carpes de souches royales toutes variétés confondues dans différents pays et sur un grand nombre d’eaux différentes.

Toujours est-il que ce sont les carpes communes sauvages qui m’ont toujours le plus intrigué de par leurs comportements divers et complexes, et qui m’ont procuré les sensations les plus fortes de par leur puissance et leur imprévisibilité lors des combats.

Ceux qui ont déjà pris de vraies sauvages savent de quoi je parle !

J’ai toujours considéré les communes sauvages comme des créatures sublimes et authentiques, tout comme leur pêche d’ailleurs.

Ceci dit, parmi les communes royales on trouve aussi des poissons magnifiques qui également méritent qu’on s’y intéresse.

Communes royales

Cyprinus Carpio est de loin le poisson le plus massivement cultivé par l’homme, et cela depuis déjà au moins 2500 ans en Chine et depuis le 11ème siècle en Europe.

A travers le monde les piscicultures produisent chaque année plus de 3 millions de tonnes de carpes rien que pour la consommation, sans parler des gigantesques quantités de carpes sauvages pêchées au filet par des pêcheurs professionnels sur les vastes lacs naturels en Europe de l’Est et en Asie !

Selon les continents, les régions et mêmes les eaux, Cyprinus Carpio s’est parfaitement adapté aux différents environnements et biotopes dans lesquels elle évolue.

Puis, grâce à l’élevage et la sélection par l’homme, la carpe s’est multipliée en une multitude de races, souches et de formes.

Pour le constater, sans parler des variétés partiellement écaillées ou dépourvues d’écailles, il suffit de comparer et d’observer les carpes communes pêchées en différents endroits.

Car oui, l’homme n’a pas seulement créé par élevage sélectif les races et variétés de carpes partiellement écaillées mais aussi (et probablement d’abord) les communes royales qu’on peut en quelque sorte considérer comme des miroirs à écaillage complet et uniforme.

Les différentes races de communes royales produisent des poissons aux morphologies très variées, et certaines races sont capables de produire des communes hautes et massives, des poissons très lourds capables d’atteindre rapidement des poids records.

C’est logique car à la base ces races ont été créées et optimisées dans un but de rentabilité : obtenir un poisson d’élevage destiné à la consommation avec un taux de croissance rapide.

Le plus souvent ces carpes sont prélevées et consommées dès qu’elles atteignent un poids commercialement intéressant, c’est à dire de 2 à 4 kilos.

Mais introduites dans une eau riche en nourriture où elles peuvent manger à volonté et vivre jusqu’à la fin de leurs jours elles peuvent continuer à grandir et grossir pour atteindre une taille infiniment plus importante.

Dans la nature, sans l’aide des amorçages des pêcheurs, les communes royales peuvent dans des cas exceptionnels atteindre voire dépasser les 30 kg.

Mais ce sont aujourd’hui le plus souvent les plans d’eau de faible superficie qui produisent les plus grosses communes (et miroirs) – des poissons qui pèsent entre 35 et 40 kg – grâce notamment à l’apport d’une nourriture artificielle sous forme de pellets et bouillettes généreusement distribuée par les carpistes qui pêchent ces eaux.

Cette réalité pose un dilemme dans le sens où on peut difficilement considérer ces poissons comme des records authentiques. Chacun fera sa propre opinion à ce sujet…

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