Le Sommaire | Carp Lsd Article
de David Coquillat
Depuis plusieurs années, je mûrissais un rêve secret, un rêve de partage. Fervent pratiquant du domaine public, il m’arrivait de temps à autre de pêcher dans des centres privés pour taquiner les grands esturgeons.
De superbes sites hyper aménagés pour assurer le confort des pêcheurs. Beaucoup de critiques justifiées vis-à-vis de plans d’eau souvent de tailles réduites, alimentés par des déversements de poissons de grandes tailles concernant les carpes. Je rêvais d’un site offrant des poissons de souche ayant véritablement grandi dans les eaux qui les hébergent. Je décidais donc de chercher mon Graal où je pourrai accueillir les passionnés venus de France et pourquoi pas de l’étranger afin de partager une même passion sans artifice reposant sur une population authentique.
Un jour, j’ai eu l’autorisation de tester un plan d’eau en limite de l’Yonne et de la Seine-et-Marne…
Je vous propose de revivre ma découverte constituant aujourd’hui un des deux plans d’eau d’Authentic Fishing DC…
A l’automne 2018, j’ai été confronté à une situation très difficile sur une gravière proche de mon domicile. Malgré quelques poissons aux formes généreuses capturés lors de pêches sur 24 ou 48h, j’avais le sentiment de passer à côté de la pêche.
La profusion de nourriture naturelle, mais également l’absence de pêche depuis plusieurs années sur ce dernier, n’engageaient pas les poissons les plus timides et les plus casaniers à s’alimenter activement de mes offrandes. Après une analyse de la situation durant de longs mois hivernaux, j’ai décidé de mettre en place une stratégie que j’avais par le passé employée pour tromper les poissons les plus âgés d’un petit étang de la Nièvre. Cette stratégie m’avait permis de capturer des carpes jusqu’alors inconnues et aux gabarits hors des standards de cette eau.
Une eau à fort potentiel
La gravière se trouvant devant moi fait partie de ces eaux intimes qui n’excèdent pas les 5 ha. Les fonds très variables alternent les hauts-fonds cachés sous 2m d’eau et les fosses de plus de 6m. Les bordures sont hyper sauvages avec des arbres surplombants et parfois immergés.
L’accès à l’eau n’est possible qu’en 4 endroits restreints. Il s’agit de trouées entre les saules où les animaux sauvages tels que les sangliers et autres ragondins ont leurs habitudes. La nourriture naturelle aquatique est à profusion. Les écrevisses sont légions et les moules zébrées colonisent systématiquement les obstacles immergés.
Des moules sont parfois fixées sur la carapace des crustacés. De belles anodontes sont également de la partie ainsi que des herbiers propices au développement des escargots d’eau. A cela, en période de fructification, les arbres riverains offrent des noisettes et prunelles complétées par des mûres issues des gigantesques ronciers inextricables des bordures et surplombant l’eau de-ci de-là. L’eau est d’une transparence déroutante et les fonds sont visibles facilement lors des repérages.
Malgré cela à aucun moment je n’ai pu observer une carpe en maraude ou au pire des cas s’enfuyant à mon approche. Durant mes repérages, quasiment aucun poisson blanc ne s’est montré à part des perches-soleil sur les bordures. Un mystère pesant enveloppe cette surface lisse. Il n’en faut pas moins pour aiguiser ma curiosité…
Premières pêches
Mes premières pêches s’effectuent à l’automne. En cette saison, les conditions sont optimales pour capturer les pensionnaires de ces eaux qui s’alimentent activement afin de constituer des réserves pour passer la période froide. Après un sondage méticuleux du plan d’eau, je jette mon dévolu sur le grand haut fond central. J’y effectue une pré-accoutumance de quelques jours au moyen de bouillettes Krill Big Carp en 24mm.
Chaque fin de soirée, je me rends donc sur le site afin de dispenser les appâts à raison de 1 kg sur une surface de la taille d’un terrain de tennis. Ma stratégie vise à concurrencer un tant soit peu la nourriture naturelle et offrir un aliment proche de celle-ci.
Lors de mes pêche je disposerai 2 lignes sur le spot. J’effectuerai 3 sessions de 24h en répétant le même scénario à chaque fois. Cela me permettra de capturer un poisson à chacune de celles-ci. Toutes mes prises sont très bien portantes, ce qui m’emplit de joie mais je reste sur un sentiment d’inachevé ou plutôt l’impression désagréable de passer à côté de quelque chose de plus intense. Durant mes pêches, un arbres surplombant m’attire, me perturbe.
C’est une impression qui m’habite depuis que je suis tout jeune, cette impression où malgré les apparences sommes toutes calmes et banales, une petite voix vous susurre que c’est là que cela se passe. Sans doute un vestige de mon éducation halieutique où je traquais les carnassiers et truites sauvages des rivières de plaine nivernaise aux leurres. Je décide de laisser passer le frimas de l’hiver pour y revenir fin mars 2019.
Mise en place d’une nouvelle stratégie
Contrairement à ma première démarche, je vais prendre le contre-pied en dispensant des appâts au profil différent des ressources actuellement disponibles dans le plan d’eau en cette saison. Je choisis donc les Esterberry Big Carp qui possèdent un profil Nutty mix (mixe noisette et noix) allié à un attractant fruit puissant qu’est l’Esterberry. Je descends également en diamètre et choisi des 20mm ainsi que la quantité d’appâts.
En effet, je souhaite que les carpes intègrent les bouillettes dans leur spectre alimentaire en les considérant comme réellement différentes mais aussi comme des friandises aptes à les rendre accroc. Pendant 5 jours, je dispenserai sous les frondaisons mais également jusqu’à 10m devant cet arbre (le pied du tombant en fait) et sur 10m de bordure de part et d’autre de celui-ci mes Esterberry. Cela fera environ 500g de bouillettes pour 200m2.
Cela ne constitue pas un tapis à proprement parler mais c’est le but poursuivi. Encourager les carpes à les rechercher activement et ne pas risquer de titiller leur méfiance avec une grande concentration d’appâts et donc d’effluves. Les Esterberry ayant une couleur très claire après immersion, l’effet visuel jouera également en ce sens. De même, mes pêches seront menées de manière à capturer un poisson puis repartir et continuer à amorcer de la même manière chaque jour.
L’objectif est de ne pas créer une pression de pêche qui ruinerait la réalisation de mon objectif c’est-à-dire la capture d’une carpe hors normes.
Place à la pêche !
Après une longue semaine de préparation, durant laquelle j’ai pu noter que les appâts que je dispensais disparaissaient d’un jour sur l’autre, c’est gonflé à bloc que je pars aux aurores rejoindre le poste entretenu depuis 5 jours.
Pourtant plusieurs interrogations et incertitudes me taraudent. La première concerne l’incertitude sur les responsables de la disparition de mes appâts. Les foulques n’en seraient-ils pas les principaux responsables et finalement n’auraient-ils pas réduit à néant mon amorçage ? Ai-je bien fait de mettre en place cette stratégie qui, même si je sais qu’elle est terriblement efficace, n’en demeure pas moins risquée en cas d’erreur de poste ?
Finalement ai-je bien fait de suivre mon instinct sur une eau que je n’ai pratiquée en pêche effective que 72h en cumulé ? Je reprends mes esprits et balaie ces sombres idées, je me dois d’être efficace et confiant pour parvenir à mon objectif. Je dissimule mon véhicule loin de mon poste, prends mon matériel réduit à son strict minimum.
Mes deux cannes, le tapis de réception enfermant l’épuisette avec un sac de conservation-pesée ainsi que deux piques avec détecteur équipés de hangers et un sac à dos renferment le petit matériel, les appâts et le matériel photo. Le tapis de réception me servira de siège improvisé. Les quelques centaines de mètres me séparant du plan d’eau sont rapidement effectuées dans la pénombre. Je me trouve au bord du poste au lever du soleil. La Nature s’ébroue dans les premiers rayons printaniers. L’installation est vite opérationnelle.
Première pêche de récolte
J’esche mes deux cannes à l’identique. Mon eschage sera un bonhomme de neige confectionné avec une bouillette esterberry 20 mm alliée à une popup de la même gamme en 15mm afin d’alléger l’ensemble de la bouchée. Cela permettra au montage de surmonter un éventuel tapis de débris ou les quelques herbes naissantes.
J’hésite à disposer un soluble avec deux bouillettes dessus mais décide de lancer ma ligne sans stringer dans le but de ne pas altérer le caractère isolé de l’offrande. Ma première canne rejoint la proximité immédiate de l’arbre à 2m de la bordure et ma deuxième se voit disposée au pied du tombant devant l’arbre à une dizaine de mètres du bord.
Je propulse 20 bouillettes sur la zone. L’attente commence. Une heure se passe, puis deux… Je contemple toujours le plan d’eau qui reste vierge de toute activité. Tout à coup, la ligne située au pied du tombant enregistre une touche timide. Le hanger descend doucement puis remonte en tension.
Le poisson ne prend pas de fil et se dirige parallèlement à moi vers la bordure. Je saisis la canne et prends contact. Le poisson semble assez lourd et m’envoie de rageurs coups de tête amples. Je sais d’ores et déjà que je tiens un poisson assez long.
Le combat se passe tranquillement. Le poisson longe la bordure dans ma direction, il ne ressent probablement pas la pression que je tente de lui mettre. Arrivé devant moi, la pression se fait pressante ce qui provoque un rush terrible. J’ai juste eu le temps d’apercevoir une commune qui pourrait bien devenir mon record pour cette variété. Je maintiens la pression et le combat se termine tranquillement. La grande commune entre dans le triangle sacré.
Je suis aux anges. La pesée n’est pas encore effectuée, mais je sais qu’elle dépasse déjà mon précédent record pour cette catégorie. Après la pesée et la séance photo, je lui rends la liberté et relève aussitôt ma deuxième canne. Je dispose mon amorçage de manière identique aux jours précédents ma pêche. Je peux rentrer, mon objectif d’une pêche pour un poisson est réalisé.
Récolte : opus 2
Voilà 3 jours que j’ai capturés cette superbe commune. J’ai poursuivi mon accoutumance durant ce laps de temps. Terminant mon travail à 16h, je décide de pêcher à la sortie de celui-ci. C’est donc boosté à fond que je me rends sur les lieux afin de tremper le fil et disposer mes pions sur l’échiquier. Je dispose les lignes sur la zone à l’identique de samedi dernier et effectue un léger amorçage d’une vingtaine de bouillettes.
L’attente commence. Je scrute toujours la surface de l’eau presque de manière désespérée car aucun signe ne trahit la présence de carpes dans un secteur du plan d’eau. Il y a à peine 1 heure que mes lignes pêchent que j’enregistre un départ sur la ligne disposée en bordure.
Le poisson est très nerveux mais une fois de plus je sens, grâce à ses longs coups de tête, que j’ai à faire à un hôte de ces lieux de taille fort respectable. Le même manège que samedi se reproduit. Le poisson longe la bordure dans ma direction.
Le poisson est maintenant devant moi. Il sonde, tient formidablement le fond. Le combat s’éternise. Après un dernier rush, je parviens à basculer une superbe miroir dans l’épuisette.
Elle est vraiment de toute beauté et son poids équivaut à celui de la grande commune de samedi. Je n’ai pas le temps de dire ouf qu’un nouveau départ se produit sur la ligne qui pêche encore. J’emmaillote ma première capture dans mon sac de conservation rapidement et je commence un combat très lent et sans coup de tête avec le deuxième poisson qui s’est invité à la fête.
Je suis quelque peu interloqué de ne pas ressentir de coups de tête. Je parviens malgré tout à enfermer une carpe de très belle taille dans les mailles du filet. Elle est moins lourde que ses deux sœurs mais ce doublé affiche une moyenne qui me comble au plus haut point. Séance photo, retour dans leur élément pour mes deux combattantes et retour à la maison après avoir amorcé le poste.
Un final en apothéose
Avec ces trois poissons de grandes tailles et ceux que j’ai eus l’occasion de rencontrer à l’automne dernier, je suis maintenant conforté dans l’idée que ce plan d’eau recèle forcément quelques spécimens très très lourds. Je poursuis donc ma distribution journalière et décide d’effectuer une dernière pêche le vendredi suivant.
Je n’y retournerai pas avant plusieurs mois car je ne souhaite pas faire le siège du plan d’eau. Ce n’est pas ma philosophie de pêche. J’espère au plus profond de moi que cette pêche de vendredi me permettra de toucher un des poissons énormes qui, j’en suis convaincu, nagent ici.
C’est donc après le travail que je me retrouve une dernière fois sur cette eau. Toujours le même rituel, disposition des lignes, amorçage, attente. Aujourd’hui il fait un vent de nord glacial. J’espère que cela ne perturbera pas trop les poissons.
Les minutes s’enchaînent puis l’heure est rapidement dépassée. Je me laisse distraire par un faisan venu me rendre visite quand tout à coup le fil de ma canne située au pied du tombant se tend et le détecteur se mets à chanter lentement. Je prends contact.
J’ai d’abord le sentiment d’être accroché dans le fond ou que le poisson est passé dans un obstacle. Aucun coup de tête, une tension énorme sur la ligne sans qu’il ne se passe quoique ce soit. Malgré tout le poisson se déplace. J’ai l’impression de tracter un sac de ciment (cette comparaison sera fondée au moment de la pesée).
La carpe se promène de cette manière durant de longues minutes mais petit à petit je parviens à la rapprocher de moi. Elle est maintenant à une dizaine de mètres lorsqu’elle décide de monter en surface. La vision que j’ai à ce moment-là est tout simplement féerique.
Une énorme bouche perce d’abord la surface puis un corps massif et long se retourne avant de me gratifier d’un rush digne d’un TGV lancé à grande vitesse. Je parviens malgré tout à contrer les sauts d’humeurs de cette fantastique carpe miroir et enfin elle se retrouve captive de mon épuisette.
Coup d’œil dans le filet et je réalise que je tiens le poisson pour qui je suis venu pêcher ici. Je relève la deuxième canne afin de profiter pleinement de ce moment d’exception. La pesée confirme que mon objectif est atteint.
Je suis comme un enfant durant la séance photo et c’est avec une plénitude complète que je redonne la liberté à ma compagne de jeu. Je range mon matériel, heureux. J’offre mon reliquat d’appâts aux carpes sans doute en maraude quelque part dans cette étendue en guise de remerciement pour ces moments fantastiques que je viens de vivre. Je reviendrai dans quelque temps pour tenter les amies de cette grande Dame…
Depuis, j’ai réussi à finaliser la prise en charge de ce plan d’eau auprès du propriétaire. Ce dernier m’a également proposé un deuxième plan d’eau proche de celui-ci. Il s’agit d’un plan d’eau où les poissons ont également des formes très généreuses.
Celui-ci a été proposé à la pêche aux pêcheurs de toute l’Europe. Le locataire souhaitant passer la main j’ai pris la suite pour imprimer ma main sur la gestion de ce cheptel.
Une notion très importante, la population exceptionnelle du plan d’eau est le résultat de poissons qui ont grandis dedans et pas (comme dans la majorité des centres privés) le résultat de déversements excessifs.
J’y ai apporté de nombreuses modifications afin de limiter l’impact de la pêche sur les carpes… Le domaine Authentic Fishing DC était né.
Oserez-vous réaliser vos rêves ?
Site Internet: http://www.authentic-fishing.com/