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Voies de migration

Raf Swinnen

Quand on cible des (grosses) carpes des grands canaux ou rivières il est important de ne pas planter son bivvy n’importe où. Cela n’a pas beaucoup de sens si on n’a pas déjà localisé les poissons, ou si on ne sait pas sur quelle portion les carpes se tiennent à tel ou tel moment de l’année.

Les infos sur leurs déplacements et l’observation sont d’une grande valeur pour réussir sa pêche. Si on choisit un poste au hasard il y a grande chance qu’on se plante. Sur les canaux et rivière les carpes se déplacent comme des troupeaux de bêtes, toujours vers une destination précise.

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Nous trouvons notre destination à l’aide d’un GPS. Les carpes trouvent leur destination instinctivement !

Changement de météo, température de l’eau, taux d’oxygène, rassemblement pour la fraye, disponibilité de nourriture naturelle, courant, couverture, le moment de l’année, ce sont tous des facteurs qui influent les déplacements des carpes.

On voit souvent que les carpes sont capturées ou observées chaque année au même moment au même endroit. Certaines se font prendre chaque année sur un spot précis à un moment précis.

Quand plusieurs carpistes sur la même rivière ou sur le même canal comparent leurs carnets de captures on voit que les mêmes choses se reproduisent très souvent, et on a tout de suite une idée comment les carpes se déplacent au cours d’une année. On voit clairement quels sont les portions ou postes qu’elles visitent à la même époque chaque année, et par quels endroits elles migrent, pas rarement sur des dizaines de kilomètres. Ces carpes sont clairement nomades.

Certaines passent même par les écluses pour se rendre dans le bief suivant. Peut-être c’est même inscrit dans leur code génétique, qu’inconsciemment quelque chose leur pousse à se rendre à tel ou tel endroit à tel ou tel époque de l’année. Il se peut même que cela soit transmis de génération en génération.

Ces comportements de déplacements précis sont durables. Pourquoi changeront-elles leurs habitudes si elles savent où l’eau est plus chaude en hiver, ou encore où l’eau est mieux oxygénée en été ?

Et où elles trouvent le plus facilement à manger à tel ou tel moment ? Elles se rendent chaque année sur leurs mêmes zones de tenu, jusqu’à ce qu’un changement de temps (ou de saison) les pousse à migrer vers la zone suivante. Mais elles migrent, elles se déplacent toujours vers une destination précise !

Migration printanière

Quand, alors que les journées se rallongent et que le soleil gagne en puissance, les carpes sortent de leur léthargie hivernale, elles vont à la recherche de la première nourriture disponible.

Pendant des semaines, ou dans certains cas même des mois, elles se sont cachées dans les portions profondes ou à des endroits où l’eau était un poil moins froide. Quand les premiers rayons de soleil commencent à réchauffer les bordures moins profondes, les carpes quittent les profondeurs pour visiter ces zones.

Le printemps n’est pas loin et grâce au soleil les premières formes de nourriture commencent à se développer dans les faibles profondeurs. Le soleil chauffant donne l’énergie aux carpes pour entamer leur première grande migration de l’année. De grands bancs de carpes se mettent en mouvement pour aller se rassembler sur les zones de frai.

Cela me fait toujours penser à ce qui se passe sur le Canal de Connection (« Verbindingskanaal en Belgique »). Chaque jour des centaines de carpes se déplacent sur des kilomètres pour finalement se regrouper toutes sur les mêmes zones de reproduction. Puis, une fois la fraye terminée, toutes retournent dans leur biotope habituel.

Et ce ne sont pas seulement les carpes qui se regroupent en très grand nombre sur ce canal. Les carpistes y sont également très nombreux en cette période. Mais ces derniers se servent de leur GPS pour s’y rendre, alors que les carpes trouvent l’endroit instinctivement.

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La localisation des poissons est un facteur capital pour réussir sa pêche.

Le spectacle m’impressionne chaque année. Les carpes se déplacent souvent en longeant les bordures dans peu d’eau. Il est facile de les observer et de les admirer.

Chaque année elles retrouvent exactement les mêmes spots pour se reproduire, les mêmes supports pour y pondre leurs œufs. Quelques jours plus tard le spectacle est terminé et une grande partie des carpes aura déjà quitté la zone de frai pour rejoindre d’autres portions à des kilomètres de là.

Il y a quelques années j’ai pris, au printemps, une miroir bien reconnaissable sur le grand Albertkanaal. Trois semaines plus tard je l’ai pris de nouveau pendant la période de frai sur le Canal de Connection, pas moins de 40 kilomètres de l’endroit de sa capture initiale !

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Être au bon moment au bon endroit…

Une fois le frai terminé le Canal de Connection retrouve son calme, les carpes quittent le secteur et avec elles les carpistes. Moi aussi je suis retourné sur mes postes habituels sur l’Albertkanaal.

Là-bas nous avons observé le retour de grands bancs de carpes qui avaient frayées. La miroir en question s’y est laissé capturer de nouveau. Sur une période de 6 semaines ces carpes s’étaient déplacées sur environ 80 kilomètres !

Cela peut sembler un exemple extrême, mais ces choses arrivent plus souvent que nous le pensons. On le voit notamment sur les grands canaux et les grandes rivières.

Zones de prédilection

Pendant la période estivale, durant la journée, les carpes apprécient de la chaleur dans la couche d’eau supérieure. Elles peuvent tourner tranquillement en rond pendant des heures près de la surface, puis à l’approche de la soirée elles retournent au fond pour se nourrir.

Tout comme quand nous avons faim à des heures précises, les carpes aussi ont leurs habitudes et cherchent à se nourrir à des moments précis. Sur n’importe quelle eau, grande ou petite, il y a moyen de les intercepter.

Sur les eaux surpêchées les carpes ont tendance à se mettre à l’abri dans les zones encombrées ou des endroits pas pêchés durant la journée. Mais dès que les carpistes plient, en fin de journée, les carpes quittent leur refuge pour se rendre sur les zones d’alimentation.

Sur les eaux beaucoup pêchées où la pêche de nuit est interdite (et ou cette interdiction est respectée) les carpes s’adaptent à la situation. Les amorçages ne sont pas touchés la journée mais tout disparaît la nuit !

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En été, lorsqu’il fait vraiment chaud, les carpes sont attirées par une eau mieux oxygénée.

Voici un phénomène que j’ai observé durant une période très chaud en été à proximité d’un barrage sur une rivière. Il était quasiment impossible d’y prendre une carpe durant la journée, elles ne mordaient que le matin et le soir.

Durant la journée nous pouvions observer une bonne activité de carpes tout près des chutes d’eau du barrage, là où l’eau est super bien oxygénée. Sur le reste du secteur on ne voyait pas un poisson.

Jusqu’au soir quand soudain tout le secteur se réveillait et qu’on voyait des signes de vie partout. Ce qui était typique c’est le fait que la première touche de la soirée se produisait toujours sur la ligne positionnée le plus près du barrage.

Puis c’était le tour à la deuxième canne, puis la troisième, et ainsi de suite. La nuit même était morte, jusqu’au premier rayons de soleil le matin. Apparemment un grand banc de carpes retournait vers le barrage car là c’était systématiquement la ligne placée le plus en aval qui produisait en premier, puis la canne suivante, et ainsi de suite.

L’action se produisait donc en sens inverse, dans la direction du barrage. Le reste de la journée notre zone de pêche était de nouveau morte…

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La terminaison de mon montage rivière. Simple, sélective, efficace !

Un degré de plus…

La fraye, sécurité, nourriture, oxygène, ce sont tous des facteurs qui influent les déplacements des carpes. La température de l’eau a aussi son importance, notamment en hiver. Une différence d’un seul degré peut être déterminante !

Je suis un vrai pêcheur de rivière et je suis confronté à des déplacements et migrations qu’on n’observe pas forcément en eau close. Je passe le plus de mon temps sur les berges de rivières canalisées comme la Meuse en Belgique, entre les zones industrielles et les centrales thermiques.

J’y note que les migrations de carpes ont souvent lieu entre deux centrales thermiques. Là encore on parle de trajets sur plusieurs dizaines de kilomètres ! Voici un exemple typique qui date de quelques années. On est en plein cœur d’hiver sur une rivière à courant lent avec une eau à 5° Celsius. Il n’y a pas un seul carpiste à l’horizon.

Totalement inattendu le scion de ma canne pli et la bobine commencé tourner. J’ai quand même le réflexe d’arracher ma canne des piques et je ferre sur un poisson. À l’autre bout de la ligne se trouve un poids lourd qui se laisse dériver avec le courant. Quelques minutes plus tard je vois un dos très large en surface.

C’est une grosse carpe miroir qui se laisse admirer pendant quelques secondes avant de redescendre dans les profondeurs. Je suis au bout des nerfs. Une capture à cette époque de l’année est un bonus, d’autant plus quand c’est un poisson de grand calibre.

J’ai un flash d’une 25+ mais n’ose à peine le croire pour de vrai. Le colosse s’éloigne de plus en plus de la berge et la navigation ne joue pas dans ma faveur non plus. C’est un combat entre un pêcheur, une carpe, des pétroliers et le courant !

Miraculeusement tout se passe bien et finalement une énorme miroir passe par-dessus la corde de mon épuisette. Avec son poids de 26,3 kg je ne peux m’imaginer une meilleure façon de commencer mon année de pêche !

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Un colosse de rivière capturé dans une eau à 5° Celsius…

Les jours suivants le courant se renforce. L’eau de fonte refroidit la rivière davantage. Est-ce que les carpes se retirent dans les fosses où est-ce qu’elles quittent le secteur pour se rendre dans l’Albertkanaal, où vers la centrale de Genk l’eau est plus chaude ?

Peu de temps après j’ai la réponse. Chaque hiver je vois des carpes qui sont reprises vers la centrale de Genk, et c’est bien là que ma grosse miroir refait son apparition pour rendre un autre carpiste heureux à son tour.., à plus de 40 kilomètres où moi je l’avais capturé peu avant !

Et croyez-le ou pas, quelques semaines plus tard elle est de nouveau prise sur la bordure d’en face où moi je l’avais pris sur la rivière !

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Comprendre les déplacements des carpes vous permet de les intercepter à des endroits stratégiques.

Ce petit degré de plus n’est pas seulement une raison pour les carpes de migrer, c’est aussi le signe pour les carpistes qu’il faut changer de secteur. Il faut pêcher les endroits où l’eau est un poil plus chaud.

À certains endroits de la rivière ou du canal on voit de grands égouts qui évacuent les eaux usées des villes voisines. Ce sont souvent de véritables hot-spots ! L’eau y est toujours un poil plus chaud en hiver, et un peu plus frais et mieux oxygénée en été. Il y a toujours un peu plus de nourriture aussi à ces endroits. Et les carpes le savent !

Les grandes piles de pont constituent aussi des valeurs sûres. Les débris et la nourriture s’y accumulent. Ces spots constituent des haltes pour les carpes lors de leurs migrations. Ce sont d’excellents postes d’interception.

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