J’ai vécu un mois d’avril plutôt moyen d’un point de vue halieutique. En revanche, j’ai découvert une gravière qui a déclenché en moi une curiosité accrue.
Lors d’un premier contact, je suis tombé sous son charme malgré le fait que j’avais peu d’informations sur ses habitantes. Je savais juste qu’il s’était fait un poisson de plus de 15 kilos.
Pour aborder un nouveau terrain de jeu, je ne m’arrête pas à la connaissance du cheptel. Ce dernier fait partie du mystère de la pêche et je trouve cela plutôt excitant. Avant tout, je dois me sentir bien où je pêche.
Je connais plusieurs endroits où nagent de très gros poissons et pourtant je n’y mettrai jamais les pieds car pour moi la pêche ne s’arrête pas à cela. Loin s’en faut !
Pour prendre du plaisir, je dois avant tout être en symbiose avec le lieu. Eh bien, cette gravière allait devenir un challenge de cœur, un défi éloigné, mais quand on aime on ne compte pas !
Objectif
Réaliser au moins une carpe de plus de 16 kilos sur ce lieu mystérieux.
Programmation
Je réaliserai une session de 3 nuits dans le mois de juin, du vendredi soir au lundi matin soit 60 heures de pêche environ.
Règles du jeu
Le lieu
Rentrons dans le vif du sujet. Cette gravière de 8 hectares environ présente un fond extrêmement irrégulier. En quelques mètres, il est possible de passer de 50cm de profondeur à plus de 7m. L’eau y est très claire. A vue de nez mais surtout d’échosondeur, il est possible de trouver des dizaines et des dizaines de hot spots. A cela s’ajoute une abondance d’herbiers et de nourriture naturelle en tous genres comme des écrevisses, des anodontes, des escargots, des corbicules…
La présence d’obstacles, constitués principalement de troncs et de branches, vient rajouter de la complexité à ce lieu très chaotique. Le substrat est dans l’ensemble très dur avec des zones caillouteuses plus ou moins larges.
Au niveau des indésirables, carassins, chats et écrevisses sont bien présents. Côté carpes on est pleinement dans le mystère puisqu’à part la connaissance de la prise d’un poisson de plus de 15kg, je n’en sais pas plus.
Par contre, par l’observation, je suis sûr qu’il y a d’autres carpes, trompées par de multiples sauts. En revanche ces poissons semblent de petits gabarits. Je n’ai également aucune idée de la pression de pêche exercée sur cette eau qui semble plutôt sauvage et délaissée. Tant mieux…
Conditions climatiques
En cette période, la France traverse une période anticyclonique et alterne entre températures de saison et très grosses chaleurs. Lors de ma session, il fera chaud avec un vent de Sud-Est stable mais peu soutenu.
La température maximale culminera à 25°C avec un bon rafraîchissement nocturne laissant place à une brume matinale.
Approche et technique
Tout d’abord, il me fallait choisir un poste. Mon choix s’est tourné sur une berge exposée au sud où j’avais une bonne vue globale de la gravière.
Outre mes déplacements réguliers en bateau pour sonder, amorcer et placer mes lignes, il me paraissait important d’observer au maximum les éventuelles manifestations des poissons. C’est très souvent la clef de la réussite d’autant plus sur une eau inconnue.
Ceci semble banal mais pourtant… même si sur ce lieu cela ne suffira pas puisque les endroits où peuvent s’alimenter les poissons sont vraiment nombreux. Avec des dizaines de cannes, on ne ferait pas encore le tour. Sur ce genre d’endroit déroutant, avant de comprendre il faut souvent y passer beaucoup de temps.
Vous l’avez compris, je ne connais pas assez les lieux pour me permettre de tenter des stratégies hasardeuses. N’ayant aucune idée précise du cheptel présent, je laisserai tomber les amorçages massifs ou de zone.
Pour la première raison évoquée mais aussi à cause de l’irrégularité marquée du fond. Amorcer une grande zone sur ce lieu reviendrait à déverser des appâts dans n’importe quelle profondeur ; les variations étant importantes en quelques mètres.
J’allais donc opter pour une pêche au spot avec un amorçage en assiette. Sur cette gravière aux allures de montagnes russes, il fallait faire preuve de précision.
Au niveau des appâts, les Feedz étaient de la partie. Cette gamme d’appâts est élaborée à partir de graines. Vous ne m’entendrez jamais parler d’appâts miracles.
Il existe en revanche de très bons appâts et surtout des gammes élaborées comme les Feedz, les Performance Concept ou encore les Probiotic pour répondre à différentes conditions de pêche et donc mettre en place différentes stratégies d’amorçage.
Ces gammes peuvent bien entendu être complémentaires. Alors pourquoi le choix des Feedz ? Nous sommes à une période où la nourriture naturelle abonde. Et sur ce type de lieu, les carpes n’attendent vraiment pas nos appâts pour manger.
Hors de question en seulement quelques jours de concurrencer le garde-manger naturel riche en protéines. Par conséquent, je voulais déjouer la méfiance des poissons en utilisant des appâts riches en hydrates de carbone.
Par ce choix, j’avais donc un appât tranchant fortement avec ses aliments habituels. Elles ont aussi le bénéfice en ces périodes chaudes de ne pas gaver le poisson. En gros tous les avantages des graines sans leurs inconvénients.
A savoir qu’un bateau est quasi obligatoire non seulement pour placer les lignes et amorcer précisément mais aussi pour effectuer sereinement les combats. En effet entre les herbes, les obstacles et les « montagnes russes », peu de poissons verraient la berge.
Un bateau et un échosondeur sont donc indispensables pour aborder la pêche sérieusement. Mon Helix 7 G3 allait donc être un allié incontournable.
Pour finir sur mon approche, j’utiliserai un bas de ligne réalisé en Shadow de 50/100. Discrétion, solidité et rigidité sont indispensables pour aborder la pêche dans les meilleures conditions (indésirables, eau claire, obstacles…). Mes esches seront systématiquement protégées par du Boilie Guard.
Déroulement de la session
Lors de mon arrivée sur la gravière le vendredi soir, je constate que je suis seul sur les lieux. Malgré l’heure tardive, je passe l’échosondeur pendant un bon moment. Les hots spots qui se dessinent sous mes yeux sont nombreux. Il va pourtant falloir faire des choix.
Et ce ne sera pas le plus simple car la configuration pousse forcément les poissons à passer et à s’alimenter à des endroits précis.
J’avais décidé de déplacer les lignes infructueuses après chaque 24h afin d’essayer un maximum de spots. Chaque canne sera accompagnée de Feedz Tiger et de pellets de la même gamme.
Vendredi
En début de nuit, mes 4 cannes sont tendues dans des zones et des profondeurs différentes. Ma stratégie d’amorçage est la même pour chaque canne ainsi que le montage utilisé. La nuit fut très calme.
Samedi
Au petit matin un départ me réveille. Sans prendre contact, je saute dans mon Partner 270 pour aller combattre au-dessus du poisson.
Premier combat et première défaite. Le poisson gagne un arbre immergé sans que je ne puisse rien faire. Aucune idée de la taille du poisson. La canne est replacée au même endroit. Elle produit un autre départ vers 9h.
Cette fois-ci, j’ai gain de cause. Je glisse le poisson dans l’épuisette. C’est une longue commune de moins de 16 kilos. Mes autres cannes pêcheront leur spot jusqu’au soir pour savoir si elles sont productives en journée. Rien n’y fait. Elles demeurent improductives. Elles changeront donc de spots.
Dimanche
Une canne s’emballe à 4h du matin. Le combat à bord du Zod est long et puissant. Au bout de quelques minutes, je glisse un poisson qui semble joli. Berge regagnée je la mets au sac pour effectuer les photos un peu plus tard.
A noter que c’est toujours la même canne, située dans 3m d’eau qui est productive. A cet instant mon objectif est peut-être validé sans que je n’aie une idée précise du poisson. A 6h du matin : ma canne vedette s’agite. Mon D Tec Indicateur fait le yoyo. Je saisis la canne et effectue le combat du bord. Ce que je pensais être l’est bien : c’est un carassin.
Vers 9h, j’effectue la pesée du poisson en sac. L’objectif est proche mais non atteint. Par contre quelle écaillure !
J’avais à peine remis cette beauté à l’eau que ma canne fétiche s’excitait. Ça sentait le carassin à plein nez. Je prends le temps de petit-déjeuner, bercé par quelques bips très espacés.
Un abaissement plus important de mon D Tec indicateur me fait prendre la canne en main. Je mouline quasiment dans le vide. À ce moment, je me dis que ce carassin a quand même fait du chemin tout en laissant mon fil dans des pieds d’herbiers disposés bien plus loin…
Je finis tout de même par reprendre contact directement avec le poisson qui au final ne semble pas être un carassin ! Le poisson sans que je m’en rende compte avait tout simplement regagné le bord.
C’est à cet instant que le combat eu vraiment lieu. Un combat intense au bord où le poisson livra toute son énergie. Après plusieurs minutes, j’épuise enfin le poisson. Il est plutôt joli. J’espère avoir passé les 16 kilos cette fois-ci.
En fait, je me rendrais compte réellement de son poids qu’au moment de le soulever : quasi impossible ! A ce moment-là, je comprends que c’est un gros cochon. Je suis comme un dingue. Verdict du peson : 28,200 kilos !!! Vous imaginez ma joie ! Comment dire ? L’objectif est pulvérisé ! A noter ce coup de chance incroyable. Je peux recommencer 10 fois ce combat du bord sans jamais voir le poisson. Mais bon la chance fait partie du jeu.
Lundi
La nuit fut calme. Je devrai attendre 9h du matin pour enregistrer un nouveau départ. Eh bien une miroir encore très jolie vient clôturer cette magnifique session qui restera longtemps gravée dans ma mémoire car je ne m’attendais absolument pas à un tel dénouement. Ce magnifique poisson frôle les 20 kilos.
Mes résultats confirment mon approche. Seule une canne sera productive. Les 3 autres, malgré l’alternance des spots, resteront muettes.
Conclusion
Avec les réseaux sociaux et autres moyens de communication nous n’avons quasiment plus de surprises sur le potentiel d’un lieu, qu’il soit public ou privé. Alors prendre de jolis poissons dans une eau dont nous ne connaissons rien ou presque, nous ramène à l’essence même de la pêche : le mystère !
C’est le maître mot qui engendre toute l’excitation de notre passion. Nous voulons souvent tout maîtriser, tout savoir, tout comprendre… alors profitons du mystère quand il se présente ! De mon côté, j’ai pris un immense plaisir à réaliser ce challenge de cœur qui n’est d’ailleurs pas près de s’en remettre ! Et depuis j’ai récidivé !