Le soleil tape fort. Un vent léger souffle sur la surface de l’eau, créant de petites vaguelettes. Mon bateau dérive devant un grand herbier.
Je suis debout sur mon bateau avec mes lunettes de soleil polarisées perchées sur mon nez. Je ne bouge pas un doigt.
L’eau n’est pas plus profonde que 2 mètres. Soudain, une carpe géante nage à travers la proue et à travers l’épaisse herbe. Je respire à peine. J’ai trouvé mon nouveau poisson cible !
Au cours des prochains jours, je sors plusieurs fois en bateau et passe pas mal de temps sur l’eau sur les 200 hectares d’un lac de plaine.
Je repère deux ou trois fois mon poisson cible, toujours dans le même secteur. Même quand je plonge, je vois ma carpe devant moi ! C’est l’été et les poissons ont à leur disposition une abondance de nourriture.
Il y a énormément d’herbes. Cela ne rendra les combats bien compliqué. De toute façon je vais déjà partir pas mal de temps.
Avec mon ami Jörg nous avons programmé une tournée de plus de trois semaines dans le centre d’Italie pour pêcher dans les grands lacs du pays.
Mon poisson cible devra attendre et je devrai être patient. Les semaines en Italie se passent à merveille. Fin août, je suis rentré chez moi et, moins de 24 heures plus tard, je suis de retour sur le grand lac.
Comme le lac est très peu profond, avec une profondeur moyenne inférieure à deux mètres, permettant à la lumière du soleil d’atteindre le fond, les conditions pour les plantes aquatiques photo autotrophes sont plus qu’idéales.
Dans tout le lac, je trouve d’énormes lits d’Elodée, si denses que des hérons cendrés se posent dessus et chassent les petits poissons tout autour.
Les derniers jours ont également entraîné une prolifération extrême d’algues, rendant l’eau extrêmement trouble. Même avec un aquascope, je ne peux plus voir le fond.
Malheureusement, je ne pourrai plus trouver mon poisson cible au cours des prochains jours.
Cependant, n’ayant aucune raison de croire que la carpe aurait quitté la zone, j’ai décidé de trouver un endroit où je pourrai présenter correctement mon montage. C’est loin d’être simple parmi l’épaisse herbe qui couvre le fond.
Bateau mouche
En été un grand bateau mouche à vapeur propose aux touristes de faire le tour du lac. Le bateau suit toujours le même itinéraire, en traversant la zone précise où j’ai repéré la grosse carpe commune.
La voie suivie par le bateau est nettement moins envahie d’herbes que la zone située à gauche et à droite de ce chenal.
Le bateau à vapeur a un tirant d’eau de plus d’un mètre et remue constamment les sédiments.
Là où il passe les plantes ont du mal à s’enraciner. Il s’agit essentiellement d’une voie de 10 mètres de large au milieu d’un lit d’herbes mesurant 200 mètres de large sur 500 mètres de long. Absolument énorme !
Je récupère mon masque de plongée et regarde de plus près les fonds. Dans le chenal, je trouve de grandes zones ouvertes et d’autres zones envahies par les herbes. Le fond de toutes les zones ouvertes comporte des trous creusés par des poissons qui s’y alimentent régulièrement.
Ils sont si gros qu’ils ne peuvent pas être faits par des brèmes. Le fond est ferme mais pas caillouteux.
Je trouve une couche d’argile épaisse de plusieurs décimètres. Cette argile fourmille de grosses moules, de crevettes d’eau douce, de vers de vase et d’escargots.
La nature a préparé un bon banquet. C’est vraiment l’endroit où je dois pêcher.
Herbes flottantes…
Pêcher ce poste implique de présenter ma ligne à travers un ancien lit de rivière. Le lit de la rivière traverse tout le lac.
La profondeur moyenne de 4 mètres et le courant moyen ne posent en principe pas de problèmes majeurs.
Mais l’automne arrive et les herbes vont bientôt se décrocher du fond ! De vastes tapis de plus de 10 mètres de large et jusqu’à 100 mètres de long sont entrainés le long de l’ancien cours de la rivière jusqu’au bout du lac.
J’ai essayé de couler ma ligne en plongeant mes scions dans l’eau en utilisant des plombs jusqu’à 120g sur une distance de 100 mètres.
Plus tard, j’ai essayé d’utiliser des grosses pierres. Cela fonctionnait mieux, mais les nuits où de grandes quantités d’herbes descendaient le long du cours de la rivière, tôt ou tard, un grand paquet d’herbes s’accrochait autour des lignes et ruinait ma pêche.
La solution
J’avais donc besoin d’une autre méthode pour contourner ce problème. Une méthode sécurisée.
J’ai alors acheté un tuyau d’acier d’une longueur de 3,5 m dans un magasin de bricolage.
Le diamètre interne était précisément de 18 mm, et le diamètre extérieur de mes piques était également 18 mm.
J’ai alors solidement enfoncé le tuyau dans le fond du lac à une vingtaine de mètres devant l’endroit où j’avais l’intention de placer mes montages, puis j’ai insère mon pique dans le tuyau.
Maintenant, le pique était grand et assez stable pour le travail ! J’ai alors attaché deux pinces à tangon sur le pique.
Le plan était de poser mes montages en barque à 20 mètres derrière le pique avec les pinces.
J’ai donc tendu mes lignes entre les plombs et le pique vers lequel j’ai descendu les lignes avec un backlead de 50g pour empêcher qu’elles attrapent des herbes.
Devant le pique, j’ai guidé les lignes vers le haut vers les pinces à tangon dans lesquels je les ai clipsées. Ensuite je suis retourné sur la berge et j’ai pu tendre mes lignes au-dessus de l’eau sur une distance de 110 mètres.
Dès lors les herbes pouvaient dériver sous mes lignes et moi je pouvais enfin pêcher correctement à travers l’ancien lit de la rivière.
Comme il y a aussi des canoës sur le lac, je me suis assuré que mes lignes étaient tendues à au moins 1,5 mètre au-dessus de l’eau pour éviter tout accident.
De plus, après chaque partie de pêche je retirais mon tuyau d’acier. La plupart du temps j’allais commencer ma pêche dans la soirée pour finir tôt le matin.
Amorçage de préparation
Nous sommes à la mi-septembre et j’ai l’intention de pêcher pendant les deux prochains mois. Je commence à amorcer mon poste tous les deux jours avec 2 kg de bouillettes Red Monster, 2 kg de pellets et 2 kg de noix tigrées.
Dès la deuxième semaine j’amorce tous les jours je ne planifie de pêcher que la troisième semaine.
Si je prends un ou deux poissons lors de cette première nuit, j’augmenterai la quantité d’amorce.
La probabilité que des compagnons de table comme les gardons et les brèmes en profitent aussi le rende d’autant plus nécessaire.
Si ma première nuit de pêche est un succès, je vais augmenter ma quantité d’amorce de 50% et continuer à amorcer quotidiennement.
Les pellets constituent une partie très importante de mon mélange, car ils fournissent une grande quantité d’huile et de protéines.
Les noix tigrées sont sucrées et contiennent 25% de matières grasses. Mes bouillettes sont à base de farine de poisson et contiennent plus de 30% de protéines.
Première pêche
Je suis extrêmement nerveux quand, après un amorçage de 14 jours, je pêche pour la première fois.
Tout d’abord, parce que je ne sais pas quel type de poisson a dévoré mon amorce ces derniers jours.
Deuxièmement, parce que je ne peux pas encore juger de l’efficacité de mon équipement de bricolage, comprenant les pinces à tangon sur mon pique.
J’ai installé un rod-pod très haut sur la berge avec mes cannes pointées vers le ciel afin de pouvoir tendre mes lignes le plus haut possible au-dessus de l’eau.
Je place ensuite mon premier montage esché d’une bille Red Monter de 24 mm. Ce qui en théorie devrait bien marcher s’avère plus compliqué dans la pratique.
La journée est plutôt venteuse et il n’est pas facile de tendre la ligne de façon droite vers le pique et de la fixer dans les pinces.
Mais après plusieurs tentatives, le travail est fait. Je retourne sur la berge et tend délicatement ma ligne jusqu’à ce qu’elle finisse par se décoller de la surface de l’eau et se redresse jusqu’au clip.
Le scion de ma canne est bien courbé sur le clip et tout semble bien tenir. Un poids est soulevé de mes épaules !
La méthode fonctionne et je peux aller tendre ma deuxième ligne. J’ai déjà moins de mal avec celle-ci, qui par ailleurs pêche avec une pop-up Neon sur un montage Withy Pool.
Le soir, le niveau du lac monte de 30 cm, un phénomène que je connais assez bien. Cela se produit régulièrement à cause de la régulation du niveau d’eau par les barrages.
Lorsque l’eau monte, les herbes commencent à dériver. Ce soir-là, de très grandes paquets herbes descendent le vieux lit de la rivière.
Pêcher sans mon système serait complètement impensable. Je suis immensément soulagé et très fier que mon invention fonctionne si bien.
Je m’assieds devant mon bivouac ce soir de septembre et regarde le lac. Il ne se passe rien jusqu’à 23h30.
Tandis que je tiens une boisson chaude dans les mains, mon détecteur de touches émet un bip discret. Une seconde plus tard, le scion de ma canne de droite se redresse brusquement avec un bruit qui ressemble à un coup de fouet.
La ligne a été arrachée violemment de la pince située à 110 mètres de là. Je ramasse la canne, saut dans le bateau et me dirige vers le poisson.
Quelques minutes plus tard, une carpe commune de 18 kg glisse dans mon épuisette. Un autre spécimen de 13 kg suit plus tard dans la nuit.
Tout fonctionne à merveille et les deux poissons sont très bien piqués. Je décide d’augmenter les quantités d’amorce.
Cible en vue
Une semaine plus tard précisément, je suis de retour au même endroit. Tout fonctionne si bien que je n’ai aucune raison de changer quoi que ce soit.
Je place rapidement mes deux montages, un esché d’une Red Monster dense, l’autre avec une pop-up Red Monster.
Cette nuit-là je prends trois poissons, dont une petite miroir et une carpe commune d’environ 14 kg. Au petit matin, j’ai un troisième départ mais le poisson fonce directement dans un herbier.
Je suis sur la rive avec la canne à la main. Le frein est bien serré et je sens que j’ai affaire à un gros poisson. Le soleil apparaît lentement à l’horizon alors que je monte dans mon petit bateau.
Je me dirige directement vers l’endroit où le poisson s’est coincé dans les herbes. Je commence à enlever les touffes d’herbes de mon fil.
Le poisson s’est enfoncé sur plus de 20 mètres dans l’énorme herbier, sans bateau je n’aurai eu aucune chance et j’aurai à coup sûr perdu la carpe.
Quelques minutes plus tard le poisson est enfin libre mais fonce de nouveau dans un autre herbier.
J’ai l’épuisette rigide Bazinga dans mon bateau pour cette éventualité. Cette épuisette a un cadre ovale en aluminium, et me permet d’épuiser une carpe dans les herbes.
C’est exactement ce que je fais à cette occasion et une grosse carpe commune de 26 kg se trouve enfin au fond du filet.
Quand je regarde mieux, je me rends compte que c’est bien le poisson que j’avais repéré à plusieurs reprises dans cette zone au cours des semaines précédentes. Je viens de capturer mon poisson cible !
Quelle satisfaction incroyable de vivre cette expérience sur une eau de 200 hectares !
Le travail est récompensé !
Au cours des prochaines semaines, je continue d’amorcer mon poste et de le pêcher une ou deux nuits par semaine.
Je prends d’autres carpes et le système mis en place fonctionne à chaque fois très bien. Certaines nuits, le problème des herbes dérivantes était si important qu’il aurait été hors de question de pêcher avec une ligne immergée.
C’étaient souvent les nuits où j’ai pris de belles carpes.
Ma mise en place des lignes a certes pris un peu plus de temps et d’efforts, mais finalement tout ce travail avait fini par payer.
Je vais utiliser ce système sur d’autres eaux et je suis convaincu que cela me permettra de pêcher avec plus de succès.
Peut-être que cela vous aidera également à aborder des postes qui sinon ne peuvent être pêchés correctement ? Si c’est le cas, et grâce à ça vous capturez vous-aussi quelques beaux poissons je serais ravi !