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Nous connaissons tous ce moment frustrant où au plein milieu d’un combat la canne se redresse soudainement. La première seconde on refuse de le croire, on mouline comme un fou pour rétablir le contact, mais en vain… On sait ce qui vient de se passer mais on a du mal à l’admettre. On sent que le plomb est toujours au bout, mais c’est tout, on vient de décrocher !
Cela arrive à tout le monde, même aux meilleurs, cela fait partie de la pêche. Mais ce n’est pas pour autant que c’est facile à accepter. Décrocher un poisson laisse toujours un goût amer et crée des doutes.
On se pose alors des tas de questions.
Est-ce qu’il y a un problème avec le montage ? Est-ce le poisson qui a mal saisi l’esche ? Est-ce que le montage était emmêlé dans les herbes ? Nombreux sont ceux qui pensent que décrocher une carpe n’est qu’une question de malchance, et vu le nombre de facteurs qui interfèrent cela semble plausible, mais est-ce qu’il n’y a vraiment rien à faire ?
Statistiques et nombres
Dans mon travail de caméraman pour l’industrie de la pêche loisir j’ai régulièrement le privilège de pouvoir suivre de près de nombreux carpistes de très haut niveau. Lorsque vous passez des jours, des semaines, des mois avec des personnes en particulier, filmant chacun de leurs mouvements, vous voyez les moindres détails de leur approche et beaucoup de choses que nous ne montrons jamais dans le montage final.
Chaque mouvement, chaque pensée et chaque événement est partagé en raison de la nature du tournage. Quand ils commettent une erreur, je suis là. Quand ils se creusent la tête, je suis là. Quand finalement ça marche je suis là. Je vois tellement de captures et d’approches différentes que c’est presque comme être des dizaines de pêcheurs différents. Je collectionne des informations comme si je pêchais 8 nuits par semaine !
Ce qui les distingue est assez intéressant de par toutes les différentes solutions créatives qu’ils mettent en application pour résoudre le même problème, de sorte que je puisse comparer et voir ce qui marche le mieux. Cependant, les similitudes sont tout aussi intéressantes, d’autant plus, parce que dans ces similitudes vous voyez les solutions qui tiennent vraiment la route car fruits d’une solide expérience de pêche basée sur des dizaines de milliers d’heures accumulées.
Et c’est encore plus vrai avec un sujet aussi complexe que l’efficacité des montages ou seules les statistiques basées sur un très grand nombre ont une vraie valeur, car pour tirer de vraies conclusions il est indispensable de piquer un très grand nombre de poissons ! Collecter les données tout seul prendra des années, et même dans ce cas cela n’équivaut pas à l’expérience qu’on accumule en suivant de près plusieurs très bons pêcheurs, semaine après semaine…
Similitudes
Quand on parle de différents paramètres qui influent sur l’efficacité d’un montage on peut nommer la longueur du bas de ligne, la longueur du cheveu, le point d’attachement du cheveu, le type d’hameçon et la taille de ce dernier.
Quand je compare mes montages (que j’ai optimisés pour différentes situations de pêche) avec ceux des carpistes que je filme je vois pas mal de similitudes. Je vais me concentrer sur les paramètres qui sont pertinents pour la grande majorité des situations de pêche.
Tous ces montages ont les choses suivantes en commun : un bas de ligne d’environ 20 cm, le cheveu juste assez long pour que l’hameçon et l’esche soit suffisamment séparé l’un de l’autre, et un hameçon taille 6 ou 4 à tige courte prolongée par un morceau de gaine thermoretractible.
Même si certains petits détails entre les montages peuvent différer, ils sont trop petits pour agir radicalement sur le fonctionnement du montage. De temps en temps on ajuste un peu nos montages par rapport à des situations de pêche spécifiques, en espérant d’être légèrement plus efficace, mais c’est tout.
Nous sommes tous arrivés aux mêmes conclusions car, la plupart du temps, nous affrontons des situations de pêche semblables : une population de carpes constituée de poissons de toutes tailles, des bouches de carpes ni trop molles, ni trop dures, et nous pêchons tous principalement avec des bouillettes.
Mon montage spécifique et les détails importants
Même s’il est impossible de piquer chaque carpe parfaitement au même endroit à chaque fois, vous pouvez améliorer votre taux de poissons bien piqués en apportant un soin particulier à certains détails. Vous optimisez un détail et le nombre de poissons bien piqués monte de 5%, vous changez un autre détail et vous gagnez encore 5%, etc.
Si vous optimisez chaque détail à l’extrême vous obtenez un montage qui est nettement plus efficace qu’un autre qui pourtant semble presque similaire ! Parlons des détails :
Présentation de l’esche, montage et longueur du cheveu
Au fond de l’eau la plupart des bas de lignes ont tendance à se tendre sur le plomb. Cela arrive quand une carpe passe par-là et crée des turbulences avec sa queue, quand un poisson saisit et recrache aussitôt l’esche ou simplement quand il y a du courant.
Quand l’esche bouge au fond de l’eau elle ne s’arrête qu’au moment où le bas de ligne est tendu sur le plomb. Je le constate tout le temps partout, et il s’agit du plus grand défaut des montages conventionnels.
Il est nettement plus difficile pour une carpe d’aspirer l’esche ET l’hameçon quand le bas de ligne est déjà tendu sur le plomb. Pour améliorer les chances qu’une carpe saisit bien l’esche ET l’hameçon j’utilise des bas de lignes de 20 cm dont le rayon de mouvement libre est plus important qu’avec un bas de ligne ultra court, et j’arrange l’attachement de l’esche sur le cheveu de façon à ce qu’elle se pose toujours sur l’hameçon.
Je perce un trou dans une pop-up et j’y introduis une grosse chevrotine (pincé sur le cheveu côté hameçon) de façon à ce qu’elle coule, ou dans le cas d’une bouillette dense j’y introduis un morceau de liège (encore monté sur le cheveu mais côté stoppeur).
Ceci me donne trois avantages :
1 – Le point de gravité de l’esche se trouve côté hameçon. Dans la bouche de la carpe l’hameçon est donc automatiquement poussé vers le bas et sa pointe tournera plus facilement vers le bas.
2 – Le centre de gravité se trouvant vers l’entrée du cheveu dans l’esche, cette dernière roulera toujours vers l’hameçon en se posant au fond. Grâce à cette mécanique une bouillette de 20mm s’approchera de 1,57 cm de plus de l’hameçon (2*π*1cm/4=1,57cm)
3 – Grâce au point 1 on peut même envisager de raccourcir le cheveu de quelques millimètres encore, et finalement on obtient que l’hameçon entre 2 cm plus loin dans la bouche de la carpe, ce qui peut faire la différence entre un poisson qui est bien piqué et un poisson qui décroche ! Vous comprenez maintenant pourquoi je ne suis pas un fan de cheveux longs.
Point d’attache du cheveu
Même si l’esche pousse l’hameçon vers le bas (dû au centre de gravité), elle va monter et descendre alors qu’elle glisse sur la lèvre inférieure. De ce fait la hampe de l’hameçon sera également levée.
Si vous placez le point de départ du cheveu au bon endroit en corrélation avec la taille de l’esche, elle va lever la hampe juste assez pour aider l’hameçon à se tourner correctement la pointe vers le bas. Ici on cherche le meilleur équilibre.
Pour une grosse esche il faut remonter le point de départ du cheveu un peu plus sur la hampe, pour une petite esche il faut le descendre.
Taille et type d’hameçon
Pour toutes mes pêches j’utilise un hameçon taille 4 ou 6 à tige courte (Korda Wide Gape) avec un prolongement en gaine thermoretractible (10mm pour une taille 6 et 4mm pour une taille 4). Selon l’endroit où je suis, on me parle parfois des qualités mécaniques des hameçons Long Shank.
Ces hameçons sont en effet très agressifs (ils piquent très vite) mais je ne les aime pas du tout. Leur pointe pénètre dans la chair sous un angle trop faible, ils piquent donc de façon trop superficielle, ce qui favorise les décrochages et la mutilation des bouches, et s’il y a une chose que je veux éviter à tout prix c’est d’abîmer la bouche des carpes !
Une bien meilleure solution est de prolonger la tige d’un hameçon Wide Gape avec un line aligner, ce qui le rend aussi agressif qu’un hameçon Long Shank tout en piquant bien mieux les carpes car la pointe pénètre sous un angle plus important et la courbure se remplit avec plus de chair.
Je choisi la taille de l’hameçon en fonction de la situation de pêche. Sur certaines eaux les écrevisses et poissons chats posent de gros problèmes. Non seulement ils peuvent détruire nos esches mais ils ruinent également notre présentation en tendant systématiquement nos bas de lignes.
Dans ces cas j’opte pour un hameçon taille 4 avec un line aligner plus court (une taille 4 possède une hampe déjà plus longue qu’une taille 6 tout en ayant une plus grande ouverture aussi, ce qui l’aide à mieux tourner). Ceci me fait gagner quelques millimètres pour que l’hameçon ET le line aligner entrent bien dans la bouche d’une carpe.
Un line aligner qui n’entre pas entièrement dans la bouche ne peut pas fonctionner !
Type de bas de ligne
Je peux être très court ici. La raideur d’un bas de ligne est toujours un facteur contre-productif quand on cherche à optimiser la mécanique de nos montages. Je comprends que pour des lancers à très grande distance vous n’avez parfois pas le choix, mais étant donné que je ne lance jamais très loin je pêche toujours avec des bas de lignes en tresse souple.
Hameçons sans ardillon
Si vous voulez faire peur à un carpiste demandez-lui de pêcher avec un hameçon sans ardillon ! Au moment où j’écris ces lignes j’ai eu plus de 150 touches avec des hameçons sans ardillon et je n’ai pas encore perdu une seule carpe à cause de ça !
J’ai d’abord commencé à pêcher sans ardillon (95% de ma pêche aujourd’hui) par désir de réduire le risque d’abîmer la bouche des poissons en cas de casse, mais j’ai vite découvert que cela offre aussi d’autres avantages.
Les seules fois où j’utilise encore des hameçons avec un micro-ardillon est dans les situations où je suis obligé de pêcher avec un fil complètement détendu, mais c’est plutôt rare. Il existe deux fausses idées sur les hameçons sans ardillon :
1 – Une carpe qui fonce dans un herbier se défait de l’hameçon !
2 – Un hameçon sans ardillon se déplace dans la bouche lors d’un combat en causant d’avantage de dégâts qu’un hameçon avec ardillon !
Ces idées sont complètement absurdes ! Tant qu’il y a la moindre traction l’hameçon reste en place. Quand une carpe s’enterre dans un herbier la traction de la ligne ne fait qu’augmenter. Plus de la moitié des carpes que j’ai pris avec un hameçon sans ardillon a foncée dans les herbes ou traversée les nénuphars, et je n’en ai perdu qu’une seule.
A chaque fois il a suffi d’aller chercher et libérer la carpe avec mon bateau, cela ne posait aucun problème. La seule carpe que j’ai perdu c’était le jour où je n’avais pas mon bateau.
Les avantages des hameçons sans ardillon sont multiples. Ils pénètrent mieux, permettent de décrocher une carpe en un clin d’œil quand il est dans l’épuisette, de décrocher plus facilement des nuisibles, ne s’accrochent pas dans le filet et ne sont pas sujet à accidents (hameçon dans le doigt).
Ces dernières années mon pourcentage de décrochages est très faible (moins de 5%). J’ai appris de mes erreurs et j’ai pu optimiser mes montages progressivement, pas par pas. Si vous rencontrez des problèmes au niveau de vos montages je vous conseille de copier dans les moindres détails celui présenté dans cet article, même la version avec l’hameçon sans ardillon, vous serez surpris de leur efficacité !