Montages

L’incroyable montage Nora Rig !

de Adam Whittington

Voici l’histoire d’un montage encore mal connu, qui selon l’auteur permet de faire réellement la différence et de prendre beaucoup plus de carpes, même (et peut-être surtout) dans les eaux très difficiles…

Cet article relate de la naissance d’un nouveau montage, une pièce technique qui commence il y a dix ans dans un incroyable petit lac au cœur du pays de la craie en Angleterre.

Le lac qui m’a conduit à cogiter sur la partie terminale de ma ligne est assez unique, avec un ensemble de défis qui ont conduit à l’invention d’un montage qui a changé ma pêche. Heureusement, le lac appartient à l’un de mes plus anciens amis et il a donné sa bénédiction pour les références que j’y fais.

Un lac So-British

Ce lac est assez petit et ne contient que onze magnifiques carpes.

Il est alimenté par des eaux de ruisseaux de craie et parfois, le débit à travers le lac est si grand qu’il est même possible d’y pêcher avec un flotteur à la dérive !

L’eau est fraîche tout l’été, mais s’évapore en hiver en raison de la température constante, et même si tous les autres lacs du pays sont gelés, sur celui-ci, il sera encore possible de traquer activement des carpes de 40 livres en bordure dans une eau claire comme de l’Evian alors que les berges sont blanches de givre.

L’incroyable montage Nora Rig ! | CARP LSD MAGAZINE

L’effet de la température constante sur les carpes se manifeste de nombreuses façons. Leur croissance est régulière, elles vivent très longtemps et se déplacent lentement.

Imaginez-vous en train de regarder un astronaute rebondir au ralenti.

Rien ne se précipite, tout est délibéré, et cela combiné à leur grand âge rend le tout absolument magique.

Le lac ne fait qu’un hectare et vous y voyiez chaque caillou de gravier sur le fond, même dans 3 mètres de profondeur.

Il y a un grand arbre dans lequel vous pouvez grimper pour observer une très grande partie de cette eau.

Depuis là-haut vous pouvez généralement repérer les onze poissons et même les identifier.

Ils étaient si distinctifs et constituaient un véritable mélange de vrais Leneys, d’Italiens au corps profond et d’autres dont je n’ai aucune idée. C’étaient presque tous de très gros poissons.

La clarté de l’eau, combinée à la couverture végétale luxuriante de la rive, signifiait que nous étions souvent allongés sur le ventre, le nez piquant entre les feuillages, regardant les géants se nourrir à bout de bras.

Ce sont les moments où on arrête sa respiration…

À l’époque le lac était géré comme un syndicat où chaque membre avait deux semaines de pêche exclusive. Une semaine pendant les mois les plus chauds et une seconde, à la saison hivernale.

J’étais donc certain de ne jamais rencontrer un autre membre et lorsque j’avais cadenassé la barrière derrière moi, c’était un tête-à-tête entre moi et les carpes pendant sept jours ininterrompus.

Nous étions autorisés à amener un invité et mon ancien compagnon Andy Camo était avec moi pour chaque session. La pêche à deux en équipe était un vrai avantage.

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Avoir sept jours vous donne également le luxe de pouvoir trouver les solutions et de bien faire les choses.

Il n’y avait pas de poisson nuisible dans le lac, alors quand le piège était installé, il restait pêchant.

Il était donc possible de laisser les lignes pêcher pendant très longtemps sans les toucher.

Pour la perspective, le lac était pêché par certains des meilleurs pêcheurs du pays, mais les touches pouvaient se produire à des semaines d’intervalle et c’était assurément délicat.

Je suppose que cela était particulièrement difficile car ces poissons étaient toujours visibles, souvent à quelques mètres de nos appâts, et ils étaient de grands maîtres quand il s’agissait d’éviter la capture.

Des poissons capricieux…

Cependant, Andy et moi étions à la fois optimistes et patients, alors nous avons commencé à nous attaquer au lac avec enthousiasme !

Notre stratégie était que nous avions quatre lignes et chacune d’elles était placée comme si c’était la seule. Nous étions prêts à tout pour capturer l’un de ces poissons.

Être en mesure de regarder les poissons nous a également permis de voir leurs réactions à toutes perturbations que nous causions. Il est devenu très vite évident qu’un plomb frappant l’eau les perturbait.

L’alimentation s’arrêtait et ils se dirigeaient généralement vers un herbier pour ensuite bouder pendant un moment. Parfois, ils se remettaient en activité au bout d’une heure, à d’autres occasions ils boudaient pendant des jours ! Spoder un poste n’était même pas la peine.

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En conséquence, nous avions décidé de ne pas lancer les montages directement dans le lac. Heureusement, une partie de la pêche consistait simplement à abaisser les cannes en bordures pour déposer les lignes dans l’eau.

Mais notre présence malgré notre discrétion incitait souvent les carpes à se diriger plutôt vers la berge d’en face.

Par conséquent, nous lancions nos montages sur la berge dans l’herbe, puis l’un de nous faisait le tour pour déposer le montage en bordure à l’aide d’un grand bâton avec une pelle.

Il y a beaucoup d’histoires que je pourrais vous raconter pour vous expliquer tous nos efforts consentis pour bien et discrètement mettre en place nos lignes, nous nous sommes appliqués à fond à ce niveau.

Puis, c’est sur ce lac que j’ai trouvé un montage radicalement différent.

Six mois après la première utilisation de ce montage, nous sommes retournés au lac pour une autre semaine ; une semaine durant laquelle nous avons mis au sec pas moins de sept carpes, du jamais vu ici !

Parlons montage !

Pour commencer, nos montages étaient simples. Des présentations qui ont permis d’attraper quelques poissons, composées de bas de lignes souples assez courts, de plombs semi-fixes et des hameçons affutés à l’extrême.

Parfois nous utilisions même un bâton pour enfoncer le leader dans le gravier ! Gardez à l’esprit la clarté du lac.

Cela nous a permis de voir les poissons réagir par rapport à nos présentations.

Un après-midi de septembre, Andy et moi étions dans notre position habituelle, à savoir le ventre au sol et la tête à travers la végétation en bordure.

À cette occasion, le montage d’Andy était si proche de nous que s’il avait tenu mes pieds, j’aurais pu le ramasser à la main.

Au-dessus de l’esche se trouvait une carpe miroir de bien plus de quarante livres.

L’esche était visible parmi une dispersion de bouillettes émiettées et nous avons vu le poisson ramasser certains petits morceaux cassés avec une délicatesse qui semblait en contradiction avec sa taille.

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Le poisson a nagé très lentement en cercle en s’éloignant de quelques mètres pour ensuite revenir pour une autre bouchée de miettes.

Au total, les miettes ne représentaient pas plus de 6 ou 7 bouillettes entières, mais après une heure complète d’alimentation sporadique, le poisson était toujours là.

Pendant ce temps nous avons clairement vu l’esche entrer et sortir de la bouche du poisson à plusieurs reprises avant qu’il ne commette finalement une erreur et se pique.

Cette fois, l’esche ne sortait pas et il était presque possible d’enregistrer le changement d’expression faciale du poisson pendant que l’hameçon faisait son travail.

La carpe jure-t-elle ? Si oui, alors c’était le moment !

Quarante-quatre livres de superbe miroir ont ensuite décollé à grande vitesse et le chaos s’en est suivi.

Ce n’était qu’un exemple des observations rapprochées qui nous ont permis d’apprendre des choses.

Ce qui est devenu évident très rapidement, c’est que le moment de la piqûre, cette fraction de seconde où la pointe de l’hameçon s’accroche légèrement dans la chair, ne garantissait nullement la victoire au pêcheur.

De nombreuses fois, une carpe aspirait une esche avec une confiance apparente tout en se soulevant si lentement que la piqûre était très inefficace.

Le bas de ligne se tendait, sans le moindre signe de panique chez la carpe, et l’esche était alors recrachée avec une indifférence presque insouciante.

Avec tout ce qui se passait au ralenti, la mécanique du montage était beaucoup moins efficace.

Pourtant, ces poissons incroyables saisissaient les esches beaucoup plus souvent que ne le suggèrent les rapports de capture. Malgré l’effort que nous faisions et l’approche furtive, nous savions qu’il était possible de faire mieux.

Vielle chaussette…

La solution est arrivée de manière inattendue, à cause d’un trou dans ma chaussette gauche. Plus précisément, une longueur d’élastique que j’ai remarquée vers ma cheville. L’élastique était de diamètre fin et semblait se nouer étonnamment bien.

En peu de temps la chaussette a été consommée par diverses expériences alors que j’essayais de faire en sorte que le montage agisse exactement comme je voulais.

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Une courte longueur de l’élastique était attachée à l’émerillon et l’autre extrémité était fixée à mi-hauteur au bas de ligne.

Cela formait une forme distincte de « D » dans le bas de ligne. Alors qu’Andy utilisait un certain degré d’élasticité dans ses montages depuis des années, pour rendre un hameçon plus difficile à éjecter, ce nouveau montage était différent car il était plus agressif.

Une fois que l’hameçon avait piqué, l’effet a été que celui-ci était activement tiré vers le plomb.

Les photos sont sans aucun doute plus faciles à comprendre que ce que j’écris.

Ce montage, au cours de la dernière décennie, a été adapté et amélioré considérablement, mais quand je l’ai réalisé pour la première fois, j’étais satisfait de son apparence et j’avais hâte de le mettre à l’épreuve.

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Le test ultime

Après quelques ajustements à l’aide d’un bâton le montage était enfin bien présenté très près du bord dans très peu d’eau.

Inévitablement, les poissons ont évité la zone pendant une demi-journée pendant que je me couchais dans les orties et montais et descendais dans les arbres afin de garder en permanence un œil sur le montage.

Puis finalement une carpe s’est manifestée, une vraie Leney d’environ soixante ans et toujours autour de quarante livres.

Un test ultime pour ce nouveau montage. J’étais assez proche pour voir l’esche entrer dans sa bouche. Encore une fois, le poisson a agi sans hâte et s’est déplacé lentement.

Le bas de ligne s’est tendu lorsque la grande carpe monta mais le contact direct avec le plomb était absent. Dès que le poisson a étiré un peu l’élastique, il s’est arrêté.

Alors qu’il a agité ses nageoires pectorales, j’ai pu voir que sa bouche travaillait dur pour se défaire de l’hameçon.

Mais ce dernier est resté fermement en place car il y était maintenu par la douce tension de l’élastique de la chaussette.

La seule façon dont le poisson aurait pu annuler la douce traction maintenant l’hameçon aurait été de s’abaisser vers le plomb, mais je ne crois pas que les carpes aient ce niveau de résolution de problèmes, ou en tout cas certainement pas encore.

Le poisson était donc là, piqué grâce à l’élastique. Il ne se déplaçait pas vers l’avant, vers l’arrière, vers le haut ou vers le bas, le seul mouvement consistait à animer rapidement ses nageoires, ses branchies et sa bouche alors qu’il tentait d’éjecter l’hameçon, en vain.

Il a probablement fallu une minute avant que la patience du poisson ne s’épuise, puis le bas de ligne s’est enfin tendu sur le plomb et l’eau a explosé alors que le poisson prenait enfin la fuite.

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Ce soir-là, j’expliquais à un vieil ami que j’avais utilisé un élastique de ma chaussette de cette façon et il a rapidement relayé l’histoire aux autres, déclarant que je pêchais maintenant avec des morceaux de collants de Nora Batty.

À partir de ce jour, ce montage avait un nom : le Nora Rig. Pour les jeunes lecteurs qui ne savent pas qui est la dame ou le programme télévisé dont elle est issue, ne cherchez pas à comprendre, c’était nul !

Ainsi, mon montage avait fonctionné dès le premier jour.

J’ai décidé que mon élastique de chaussette pourrait être amélioré en tant que composant et j’ai finalement opté pour un produit appelé élastique Knit-In (utilisé pour le tricotage).

Il n’était pas parfait, mais c’était un produit discret facile à nouer. Toutefois la tension réelle de l’élastique pouvait varier d’un morceau à un autre, et le produit vieillissait mal. L’élastique idéal pour ce montage doit être régulier, stable et fiable.

Aujourd’hui, j’utilise un élastique marqueur fin. Oui, il est rouge mais je n’ai pas encore vu d’effet négatif. Nous ne l’aimons peut-être pas, mais c’est la carpe que nous essayons d’attraper, et c’est sa réaction qui compte.

Cet élastique est solide et la tension parfaite.

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Beaucoup de gens utilisent un certain degré d’élasticité dans leurs montages, mais je n’ai pas encore vu un autre qui fonctionne aussi subtilement.

Cela fonctionne vraiment, et une décennie plus tard, je n’utiliserais rien d’autre. Il est né par nécessité sur une eau particulièrement délicate mais s’est avéré être un avantage significatif partout.

Mais ce montage a aussi quelques inconvénients, comme le fait que les foulques se piquent presque systématiquement, au lieu de produire seulement deux bips. Même chose avec les tanches.

J’ai récemment pêché une session à Dinton White Swan, à la mi-novembre. C’était ma toute première session sur ce site historique et j’ai eu sept touches et pris sept tanches.

Ce n’est pas ce que je voulais, mais ceux qui connaissent bien le lieu comprendront à quel point ce résultat était inhabituel.

La pêche à la ligne n’est pas une science exacte car il y a trop de variables impliquées, mais je suis arrivé à des règles du jeu équitables en termes de test pour le montage comme par exemple quand j’ai pêché un lac français peu profond avec un groupe d’amis.

Le lac avait une profondeur uniforme, sans herbes et nous avons tous amorcé et pêché avec les mêmes bouillettes dans ce lac où il y avait des carpes partout.

À la fin de la semaine j’avais pris 34 carpes au total, alors que le deuxième meilleur résultat obtenu par un pêcheur cette semaine était de 7 carpes, sur un montage relativement standard.

Je n’ai pas encore connu un pêcheur qui a essayé le montage Nora pour ensuite l’abandonner. Certaines personnes le détesteront, en disant qu’il est trop compliqué et trop chiant à réaliser, et trop peu discret. Mais il fonctionne à merveille !

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Généralement j’utilise ce montage dans un sac soluble, ou je le pose en bateau, mais pour le lancer à grande distance je rajoute juste un micro-stick sur l’hameçon pour éviter d’emmêler.

Tant que l’élastique est complètement étiré pendant que vous lancez, il ne se cassera pas et se déposera bien lors de l’atterrissage sur le fond du lac.

Un avantage supplémentaire de ce montage, comparé à la présentation d’un montage conventionnel, est qu’avec le Nora l’angle sous lequel la carpe approche l’esche n’a plus aucune importance car, dans tous les cas, en aspirant l’esche, l’hameçon rentre dans la bouche aussi.

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Alors que je termine cet article, je voudrais vous laisser quelques réflexions. Premièrement, je pense que la capture de carpes devient de plus en plus difficile.

Si vous pensez à l’une de vos eaux locales, je suis presque certain que la cadence de touches descende à mesure que les années passent, même si la population de carpes reste constante.

Le niveau réel de l’intelligence d’un poisson est un sujet très débattu, mais il ne fait aucun doute qu’il devient conditionné aux pêcheurs et réagit aux influences extérieures.

Chaque saison, ce conditionnement est renforcé, et ils deviennent plus difficiles à capturer. Les petites carpes sont des poissons de banc qui présentent tous les traits d’un animal entrainé pour éviter la prédation.

En tant qu’adultes, une grande partie de cette auto-préservation demeure, ils apprennent et s’adaptent à la situation, en adoptant des comportements qui permettent d’éviter les dangers.

C’est pourquoi nous devons nous adapter en conséquence aussi, pour garder un pas d’avance…

 

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